30 janvier 2013

Le requiem des primates, de Nathalie Schwarz-Revol

Le requiem des primates
de Nathalie Schwarz-Revol
Témoignage

Pour la nouvelle année 2009, Nathalie a pris sa résolution. A 49 ans, cette femme mariée, mère de famille décide de vivre son rêve : partir en Afrique s'occuper d'animaux sauvages. La voilà devant l'occasion de se redécouvrir et de s'accomplir. Après avoir contacté au Congo-Brazzaville, une ONG s'occupant de chimpanzés, elle se lance dans l'aventure qui va peut-être donner un sens nouveau à son existence. Ce récit documenté et engagé nous interroge sur la relation que nous entretenons avec les autres espèces vivantes.

Entre le Congo et la France, la Normandie et la capitale, la jungle africaine et les musées parisiens, l'auteur nous plonge, oscillant sans cesse entre humour et gravité, dans l'univers passionnant des grands singes. Mais au travers de cette saisissante ode à la nature, c'est à un voyage à la redécouverte de l'humanité qu'elle nous convie.

[Les droits d'auteur seront reversés intégralement à Ikamapérou. Ikamapérou est une association française installée en Amazonie péruvienne depuis 1997. Cette association oeuvre en partenariat avec les populations locales pour la protection des habitats naturels et des primates menacés, comme les singes laineux et les singes araignées. Un programme de réintroduction en milieu sauvage est en cours.]

Le requiem des primates, Nathalie Schwarz-Revol, Editions Publibook, 2011, 200 pages

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Publibook
- Ce lien où vous pourrez feuilleter le livre
- Le site de l'association Ikamaperu
- Ma vie avec les chimpanzés, de Jane Goodall
- Le cri de l'espoir, de Jane Goodall
- L'école des chimpanzés, de Roger Fouts et Stephen Tukel Mills
- Nim, le chimpanzé qui croyait être un enfant
- Le documentaire Le projet Nim, réalisé par James Marsh
- Gorilles dans la brume, de Dian Fossey
- Bons baisers des bonobos, de Vanessa Woods

Au sommaire

- Bête à bon dieu
- Bonne année !
- Preuve d'amour
- Isaac Newton
- Le petit prince et la cantatrice
- Voyage
- Rat des villes, rat des champs
- La mort comme loisir
- Renoir, la fourrure et les médias
- Le temps qui passe
- Bienvenue en enfer !
- Un soir au musée
- Secrets de famille
- L'homme de ma vie
- Mon héros
- La reine africaine
- American stories
- Terre d'or
- Jeudi 11 février 2010 : le fantôme de l'opéra

Quelques photos extraites du livre



28 janvier 2013

Bons baisers des bonobos, de Vanessa Woods

Bons baisers des bonobos
Les aventures d'une primatologue au Congo
de Vanessa Woods

Imaginez un de vos cousins qui, en guise de bonjour, tend le sexe à la place de la main, organise des parties fines avec les voisins et laisse aux femmes la gestion des affaires du monde. Ce cousin n'est pas tout seul, il y en a toute une tribu : celle des bonobos, les primates les plus menacés et les plus affectueux qui soient. Une espèce aussi proche du chimpanzé par les gènes qu'éloignée de lui par les moeurs, et qui partage 98,7% de notre ADN. Mais d'eux on sait fort peu de chose.

L'été 2005, Vanessa Woods pose ses bagages dans un Congo dévasté par la guerre. Son fiancé, le primatologue Brian Hare, l'a parachutée dans un sanctuaire de bonobos, persuadé qu'il trouvera chez eux la réponse à la question qui l'obsède : en quoi consiste notre humanité ?

Vanessa et Brian vont vivre au milieu de ces primates pas comme les autres, les observer : pourquoi les bonobos sont-ils enclins à coopérer ? Pourquoi ont-ils recours au sexe pour atténuer leurs angoisses et régler leurs conflits quand les chimpanzés forment des sociétés dominées par les mâles, où la contrainte sexuelle, l'infanticide et les razzias sont monnaie courante ? Pourquoi un bébé bonobo hurle-t-il de terreur devant un hérisson en plastique rouge quand un bébé chimpanzé se l'approprie dare-dare ?

Il se trouve que les bonobos boudent les tests sauf s'ils sont menés par une femme... Et l'on assiste à la naissance d'une vocation : peu à peu, Vanessa la dilettante se mue en chercheuse passionnée. D'une plume espiègle et gouailleuse, elle nous raconte les amours d'Isiro "la danseuse" et de Mikeno "le penseur", les frotti-frotta de deux femelles qu'excite l'odeur de pomme verte, la dinguerie de Kikongo, qui secoue la tête à s'en décrocher le cerveau comme le batteur du Muppet Show, bondit en l'air, pieds joints, comme Gene Kelly, ou encore la mort déchirante du petit Bolombe. Et nous découvrons que. dans ce pays meurtri, l'homme et l'animal ont en commun un courage et une volonté de survivre extraordinaires.

Bons baisers des bonobos, Vanessa Woods, Traduction : Laurence Decréau, Editions Flammarion, 2011, 355 pages, avec plusieurs photos en couleurs

A propos de l'auteur

Vanessa Woods est chercheuse en primatologie à l'université Duke (Etats-Unis), membre du Groupe de recherche en psychologie des hominoïdés (Institut Max-Planck). Elle est également journaliste pour Discovery Channel, et a publié des articles dans BBC Wildlife, New Scientist, Travel Africa. En 2003, elle a remporté l'Australasian Science Award for Journalism.

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Flammarion
- Le site officiel de Vanessa Woods
- Sa page Youtube (nombreuses vidéos)
- Le documentaire Bonobos, réalisé par Alain Tixier
- Une tendresse sauvage, de Claudine André
- Lola ya bonobo, de Claudine André et Christine d'Hauthuille
- Bonobos : Le bonheur d'être singe, de Frans de Waal et Frans Lanting
- Le singe en nous, de Frans de Waal
- La maison des singes, de Sara Gruen

L'avis d'un lecteur
Source

Cherchez l'erreur

Une journaliste de trente ans raconte comment sa rencontre avec les bonobos a fait évoluer son regard sur le monde.

On peut trouver plusieurs bonnes raisons pour se lancer dans un livre, mais si ce qui vous intéresse avant tout est le style ou la façon dont l'auteur structure son récit, ne comptez pas sur Vanessa Woods, qui écrit plus ou moins comme ça lui vient, sautant du coq à l'âne, avec de temps en temps des blagues dignes d'une série télévisée. Il n'y a pas non plus énormément d'émotion, ni de suspense. Au bout du compte, si ce livre mérite l'attention, c'est surtout parce qu'il parvient à troubler notre vision de l'humanité. On a beau respecter les animaux, les insectes, les plantes et le vivant en général, nous, hommes, dominons à ce point le monde que nous ne pensons pas plus à notre supériorité qu'à l'action de respirer. Or, ce sont cette certitude et les droits qui en découlent, que ce livre ébranle.

Bonobos, chimpanzés et humains, qui ont un ancêtre commun, partagent plus de 98% de leur patrimoine génétique. Curieusement, les bonobos, présents uniquement au Congo, demeurent moins étudiés que les chimpanzés, alors qu'ils diffèrent radicalement, notamment dans les rapports sociaux : par exemple, un chimpanzé mis en présence d'un étranger tentera de le mettre en pièces, tandis qu'un bonobo ira plutôt lui caresser les organes génitaux, ce qui est quand même plus sympathique. Manque de bol, il semble que nous soyons plus chimpanzés que bonobos, hippies mis à part, alors comme d'habitude, ce sont les plus gentils qui prennent, et au sanctuaire Lola Ya Bonobo, on recueille de petits singes orphelins (leur maman tuée et mangée par des braconniers), aux doigts mutilés (à cause de leurs fameuses propriétés magiques), bref, complètement traumatisés.

Très instructif, agrémenté de plusieurs photographies, le livre de Vanessa Woods aborde aussi l'histoire du Congo, des guerres civiles, avec ses horreurs habituelles, d'une violence à vomir, mais surtout il nous parle de l'humanité des bonobos, d'autant plus évidente qu'elle côtoie la sauvagerie de leurs cousins.



27 janvier 2013

La maison des singes, de Sara Gruen

La maison des singes
de Sara Gruen

Roman

Sam, Bonzi, Lola, Mbongo, Jelani et Makena ne sont pas des singes ordinaires. D’une intelligence très proche de celle des humains, ils sont capables d’amour et peuvent communiquer en langage des signes. Ces six bonobos font l’objet d’études très poussées dans un laboratoire de Kansas City, dirigé par Isabel Duncan, une jeune chercheuse qui nourrit plus d’affinités pour les animaux que pour les êtres humains. Mais lorsque, à la suite d’une explosion, les grands singes se retrouvent en liberté, objets des plus basses convoitises, Isabel est prête à tout pour les sauver. Même à se compromettre avec un séduisant journaliste, un végétalien aux cheveux verts et une star du cinéma à la retraite…

Depuis toujours, Sara Gruen se passionne pour la condition animale. Son nouveau roman s’appuie sur de solides recherches : elle a étudié le langage des signes pour communiquer avec les bonobos du Great Ape Trust de Des Moines dans l’Iowa et passé plusieurs mois en leur compagnie. Ce roman,.tour à tour drôle et émouvant, est aussi palpitant qu’un thriller. Sara gruen est également l'auteur de "La leçon d’équitation", "Parcours sans faute", et "De l’eau pour les éléphants", best-seller international.

La maison des singes, Sara Gruen, Traduction : Valérie Malfoy, Editions Albin Michel, 2011, 368 pages

Pour en savoir plus

- Le site officiel de Sara Gruen
- Le site des éditions Albin Michel
- D'autres romans
- D'autres livres sur les bonobos
- Le blog Libr'Animo qui présente une sélection commentée de livres jeunesse s'intéressant aux relations humain/animal

L'avis de Libr'Animo
Cliquez sur ce lien pour découvrir son blog

Dans son laboratoire, la jeune chercheuse Isabel Duncan se passionne pour l'étude des facultés d'apprentissage des bonobos. Entre elle et eux se sont tissés des liens très fort. Cependant, des activistes de la condition animale critiquent par d'incessantes manifestations aux portes de l'établissement le bien-fondé de son travail. Lorsqu’Isabel, victime d'un attentat qui détruit le laboratoire et cause la disparition des singes, se retrouve à l'hôpital, leur responsabilité ne fait pas de doute. Deux journalistes, aux méthodes bien différentes, sont envoyés par leur rédaction pour rendre compte de ce drame. Bientôt, les singes font leur réapparition dans une émission de télé réalité. L'un des journalistes, John, en s'impliquant personnellement dans cette affaire, découvre finalement les véritables motivations du principal collaborateur, et fiancé, d'Isabel et les dessous d'un scandaleux trafic d'animaux. Le meneur des dangereux activistes, pour sa part, se révèle bien moins caricatural et beaucoup plus sensé que les apparences ne le laissaient croire. Finalement, Isabel pourra rétablir une relation de confiance avec ses amis bonobos dans un sanctuaire, entourée d'êtres humains sincères et réellement dévoués. On peut imaginer que l'adaptation des singes à la vie sauvage aurait été rendue impossible par leur intégration un environnement façonné par l'homme.

Sara Gruen, connue surtout pour son livre adapté au cinéma "De l'eau pour les éléphants" consacre son travail d'écrivain à la cause animale. "La maison des singes", mené sur un rythme soutenu, est une lecture facile et motivante. Les bonobos, souvent décrits comme les plus proches cousins de l'homme, aptes à l'acquisition d'une forme de langage, nous interrogent sur la nature de la barrière que les hommes établissent entre eux et les autres animaux.

Le sujet du livre évoquera sans doute à certains l'engagement de certaines primatologues, dont la célèbre Jane Goodall.

Sara Gruen, Kanzi et Panbanisha


Trailer


Sculpture/modelage d'un bonobo, inspiré du livre

26 janvier 2013

La montagne aux gorilles, d'Alain Surget

La montagne aux gorilles
d'Alain Surget

Roman junior

Une grande aventure

L'histoire se passe en Afrique, en République démocratique du Congo. Madé, jeune réfugiée Tutsi, découvre un trafic de mains de gorilles destinées à servir de cendriers. Elle sympathise avec Thomas Jones et devient ses yeux et ses oreilles. Une nuit passée chez les Pygmées, une marche éprouvante dans la forêt, une attaque de gorilles... pas si simple de poursuivre des trafiquants !

Un dossier animalier

Habitat, caractéristiques physiques, comportement, intelligence, nourriture, reproduction, point sur la situation des gorilles... des informations claires et concises pour découvrir la vie des gorilles.

La montagne aux gorilles, Alain Surget, Editions Calligram, 2011, 64 pages

A propos de l'auteur

Professeur d’histoire, à présent retraité, Alain Surget a une passion pour certaines périodes historiques comme l’Egypte antique, la Rome antique et le Moyen Age .Il aime également mettre en scène les animaux et les pirates. Il est l'auteur de nombreux ouvrages (romans, poésie, théâtre). Ses livres traduisent les rapports entre le monde moderne et les grandes forces ancestrales, la vengeance, le destin, les luttes des classes et de races, et surtout la lutte de l'homme avec la nature et la solitude.

25 janvier 2013

Mémoires de la jungle, de Tristan Garcia

Mémoires de la jungle
de Tristan Garcia

Roman

Le narrateur de ce roman, Doogie, est un jeune chimpanzé (Pan troglodytes troglodytes). Le sol du continent africain, dévasté par des guerres, des famines et une vague de pollution chimique, a été laissé expérimentalement en jachère. Partout ailleurs, l'espèce humaine s'est retranchée dans les villes et à l'intérieur de vastes stations orbitales. Un immense zoo près du lac Victoria accueille scientifiques et étudiants afin d'observer la faune préservée... C'est là que Doogie a été élevé, dans une famille de chercheurs, en compagnie de deux enfants : Donald et sa soeur, la bien-aimée Janet. Tout autour, à perte de vue, la jungle de jadis a repris ses droits.

Singe génial et attachant, Doogie a appris à parler - à l'aide du langage des signes, d'écrans tactiles et de lexigrammes - un dialecte baroque et rapiécé. Son récit commence alors que Doogie revient d'un long voyage en orbite. Après le naufrage de son vaisseau sur un rivage désertique de la côte africaine, le singe civilisé se retrouve seul, perdu dans la jungle. Pour rejoindre Janet et son foyer d'enfance, il devra affronter le monde sauvage, et se dépouiller peu à peu de sa "fidélité à l'humain", quitte à redevenir un animal...

Mémoires de la jungle, Tristan Garcia, Editions Gallimard, 2010, 368 pages

A propos de l'auteur

Découvert en 2008, Tristan Garcia est l'auteur d'un premier roman remarqué intitulé "La meilleure part des hommes". Refusé par cinq éditeurs mais accepté par les éditions Gallimard en 2008, il dessine dans ce roman une époque qu'il n'a pas connue mais qui le fascine : les années 1980, le sida et la naissance de l'activisme associatif. Il reçoit le prix de Flore à l'unanimité. Comme il aime les contre-pieds, son deuxième roman, "Mémoires de la jungle" fait parler un singe. Il puise son inspiration aussi bien dans les séries télé (sur lesquelles il est incollable) que dans le cinéma et la littérature américaine contemporaine. Ancien Normalien, Tristan Garcia est l'auteur d'une thèse en philosophie sur le thème de la représentation. Il est aussi l'auteur d'un essai sur la condition animale. En 2012, il s'essaie à la nouvelle avec "En l'absence de classement final", recueil sur un théme où on ne l'attendait pas non plus, le sport.

Pour en savoir plus

- Le site des éditions Gallimard
- Des avis de lecteurs

L'avis d'un lecteur
Source

Histoire d'un pauvre Pan troglodytes troglodytes deux fois

Vous aimez les langues vivantes ? Tant mieux ! Car il va vous falloir apprendre celle que Tristan Garcia a inventée pour raconter l'histoire de Doogie, un chimpanzé élevé dans une famille de chercheurs.
Inventer un langage n'est pas banal. Que le narrateur soit un singe l'est encore moins.
L'exploit dans tout ça, est que l'on en ressort bouleversé. Les plus sensibles auront de l'eau dans les yeux, quant aux autres, ils iront boire un coup pour oublier.

Ce livre est également disponible en format poche
Editions Folio, 2011, 384 pages


Une présentation audio du livre

24 janvier 2013

Le livre noir de l'agriculture, d'Isabelle Saporta

Le livre noir de l'agriculture
Comment on assassine nos paysans,
notre santé et l'environnement

d'Isabelle Saporta

Petit up de cette note pour signaler
la sortie de ce livre en format poche

Vous souvenez-vous des Shadoks, ces étranges oiseaux qui passaient leur vie à pomper, pomper, pomper et à inventer des machines toujours plus absurdes ? Les Shadoks, aujourd’hui, c’est nous, ou plutôt notre agriculture. Malgré son coût prohibitif, celle-ci ne respecte ni le pacte social qui la lie aux paysans, ni le pacte environnemental qui la lie aux générations futures, ni même le pacte de santé publique qui la lie à chacun de nous. Les ressources d’eau sont gaspillées, polluées. Nous recevons chaque jour dans nos assiettes notre dose de pesticides et autres résidus médicamenteux. L’agriculteur ne s’en sort plus, et il est injustement voué aux gémonies, lui qui n’est que le bouc émissaire d’un système qu’il subit. La confiance est rompue.

Pendant deux ans, Isabelle Saporta a parcouru les campagnes françaises. Dans cette enquête, elle met au jour l’absurdité du système, en le remontant de la fourche à la fourchette, du cours d’eau pollué aux cancers environnementaux provoqués par les pesticides, des animaux trop traités à l’antibiorésistance.

La conclusion semble s’imposer : puisque notre agriculture pose plus de problèmes qu’elle n’en résout, il est urgent de changer de cap et de revenir à davantage de raison. Mais si tout le monde s’accorde sur le constat d’échec, aucun responsable politique ne veut prendre le risque de s’attaquer aux fondements de l’agriculture intensive.

Loin de se contenter de brosser un tableau alarmiste, Isabelle Saporta avance des solutions simples. Pour les trouver, il suffit de savoir écouter ceux qui connaissaient le monde avant son délire productiviste. Ceux qui, aujourd’hui, travaillent d’arrache-pied à remettre les champs dans les sillons du bon sens paysan.

Le livre noir de l'agriculture, Isabelle Saporta, Editions Fayard, 2011, 252 pages

A propos de l'auteur

Isabelle Saporta est journaliste. Elle a longtemps préparé les émissions de Jean-Pierre Coffe sur France Inter. Elle est l’auteur de documentaires, dont Manger peut-il nuire à notre santé ? et collabore à Marianne.

Pour en savoir plus

- Des avis de lecteurs
- Manger peut-il nuire à la santé ? réalisé par Isabelle Saporta
- Ces animaux malades de l'homme, volet de l'émission Temps Présent
- Pesticides, de Fabrice Nicolino et François Veillerette
- Notre poison quotidien, réalisé par Marie-Monique Robin
- Le monde selon Monsanto, réalisé par Marie-Monique Robin

Au secours, notre agriculture est devenue folle !
Productivisme. Abus de pesticides, élevage intensif, irrigation mal gérée,
Isabelle Saporta dénonce ce système absurde.

Un article d'Audrey Levy, du site Le Point

Si Candide voyageait sur nos terres, il serait saisi d'effroi. Il chercherait les champs aux couleurs bigarrées, fleuris de colza, sorgho et autres petits pois, les veaux, vaches, cochons qui s'ébrouent sur la paille et gambadent en plein air, les boulangers qui pétrissent le pain... Il aurait beau chercher, il ne trouverait pas. Car, dans le monde de l'élevage intensif, les porcs, gavés aux hormones et aux antibiotiques et confinés sur caillebotis, dépriment dans leurs déjections ; les tomates sous perfusion chimique transpirent, onze mois sur douze, dans des usines à gaz ; les pommes de terre industrielles, parfaitement calibrées et dopées aux anti-germanitifs, sont stockées dans des frigos énergivores ; les champs de maïs, arrosés aux aides européennes, à l'irrigation intensive et aux pesticides interdits, prolifèrent comme des champignons. La liste est longue, le constat édifiant. "Notre agriculture coûte cher, le budget de la PAC atteint 57 milliards d'euros en 2010, soit 44 % du budget de l'Union ; elle est gourmande en pesticides, pollue nos cours d'eau, sacrifie les paysans et propose au consommateur des produits médiocres. Bref, la facture sociale, environnementale et en santé publique est astronomique", dénonce Isabelle Saporta, auteur du "Livre noir de l'agriculture", qui paraît cette semaine chez Fayard (1). Pendant deux ans, cette journaliste a sillonné la France, frappé à la porte des agriculteurs, des éleveurs, des industriels et des ingénieurs agronomes. "Je voulais mettre au jour les rouages qui nous ont poussés, tels des Shadoks, à faire toujours le mauvais choix en matière d'agriculture ou d'élevage." La faute aux paysans ? "Non. Ils ne sont que les boucs émissaires d'un système qu'ils subissent en première ligne." Isabelle Saporta verrait plutôt du côté des politiques et du productivisme à outrance. Mais il n'y a pas de fatalité. "Il suffirait souvent de revenir aux méthodes, pleines de bon sens, des anciens." En France, des petits agriculteurs ont relancé, ici, la culture du lin et du lupin, là, les vergers biologiques, créateurs d'emplois. Seulement voilà, "aucun responsable politique ne se risquerait à changer un système qui sert les intérêts des plus forts". Comprenez les industriels, les grandes coopératives, les laboratoires pharmaceutiques et la grande distribution. Alors, que faire ? "Consommateurs, révoltez-vous !"

Des extraits du livre

Attila le maïs

En France, les surfaces de maïs ont été multipliées par dix en soixante ans, passant de 300.000 hectares en 1939 à 3,15 millions d'hectares aujourd'hui. Et bien entendu les rendements ne cessent de croître eux aussi. En trente ans, ils ont doublé. La France produit chaque année 16 millions de tonnes de maïs. Et, cocorico, l'Hexagone est non seulement le premier pays producteur européen, mais surtout le premier exportateur de maïs en Europe. (...) Grâce au génie génétique de l'Inra, on a mis au point un maïs hybride (...) capable de pousser dans toute la France. (...) Le Conseil d'Etat est formel : si la culture du maïs est de loin la plus rentable, c'est parce qu'elle a été encouragée par le maintien partiel des aides à l'irrigation. Que font les pouvoirs publics en cas de sécheresse ? Le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) verse de l'argent aux agriculteurs sinistrés. En 2005, la somme s'élevait à près de 238 millions d'euros. En 2003, durant la sécheresse, elle a atteint 582 millions d'euros... quand les primes à l'irrigation étaient, cette même année, de 148 millions d'euros. On verse de l'argent pour irriguer, ce qui entraîne des restrictions d'eau, puis on paie pour aider les agriculteurs durant la sécheresse. (...) Le maïs n'est pas bon pour les quantités d'eau consommées, mais il n'est pas bon non plus pour la qualité de l'eau. La dernier rapport de la cellule d'orientation régionale pour la protection des eaux contre les pesticides en Bretagne énonce, dans un inventaire à la Prévert, la longue liste des herbicides versés sur le maïs et retrouvés dans l'eau : diméthénamide, acétochlore, métolachlore et, plus curieux, alachlore et atrazine, pourtant tous deux interdits.

Patate chimique

Pour maintenir le rendement, toutes les patates doivent être arrachées le même jour. La seule solution : l'herbicide. Même pour les Rolls des pommes de terre, les jolies primeurs. Pourquoi ? Le défanage chimique, on fait ça pour endurcir la peau de la pomme de terre primeur. Qui du coup va supporter d'être lavée. (...) On est donc obligé de défaner chimiquement les pommes de terre parce que le consommateur, notamment parisien, n'achètera pas de patates qui ne soient parfaitement lavées et rutilantes. Absurde. D'autant que la patate lavée se conserve bien moins longtemps que sa consoeur terreuse.

La tomate de Kafka

Chaleur, humidité, pas assez de soleil, ça fait peu pousser les tomates à contre-saison et en Bretagne, mais ça fait également pousser les champignons... C'est ainsi qu'on réussit l'exploit de créer des maladies dont ne souffre presque jamais la tomate quand elle est cultivée en pleine terre et en saison. Qu'à cela ne tienne (...) Pour pouvoir cultiver des tomates en hiver, sous des serres surchauffées, et éviter des champignons, on va gaver les plantes d'azote, qui pollue pourtant déjà largement nos nappes phréatiques. (...) Que répondent les sélectionneurs quand des scientifiques leur apportent la preuve que des tomates cultivées sous serre en hiver n'ont plus aucun intérêt nutritionnel ? Qu'il faudrait revenir à la raison et faire pousser les fruits en saison ? Non, ce serait trop simple. La conclusion des industriels est claire : il faut de toute urgence trouver une tomate enrichie avec tous les éléments qu'elle aura perdus en étant cultivée à contre-saison ! Bref, la solution vient de la super-tomate super-enrichie en vitamine C et en lycopène.

Une vie de cochon

Trois mois, trois semaines et trois jours plus tard, les porcelets naissent. Tous le même jour ? Oui, par le miracle des injections d'oestrogènes. Ainsi que des piqûres d'ocytocine grâce auxquelles les contractions et les montées de lait se déclenchent comme par magie. Pour ne pas freiner la cadence, on leur donne une bonne dose de spasmolytique et de vasoconstricteur. Mais cela ne dispense pas de la fouille. Car, désormais, les portées comptent 18 à 19 porcelets. (...) 19 porcelets? Mais une truie n'a que 10 tétines ! Bienheureusement, le génie génétique est passé par là, et la femelle en aligne fièrement entre 14 et 16... (...) Pour s'assurer que les précieuses tétines ne s'infectent pas, on donne préventivement aux truies une bonne dose d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires. Pas de temps à perdre avec des mammites (inflammations des mamelles).

De l'azote pour faire du blé

Le blé meunier est rémunéré à sa teneur en protéines. Du coup, pour qu'il pousse vite et surtout pour qu'il soit bien chargé en protéines, les agriculteurs chargent la mule avec de l'azote (...). Problème : quand on répand trop d'azote au pied du plant de blé, il verse, tombe par terre, car la tige, trop haute, ne supporte pas la charge de grains, et la récolte en pâtit. Mais que faire alors ? Réduire les doses d'azote, peut-être ? Mauvaise idée : cela risquerait de diminuer les rendements et les teneurs en protéines. Heureusement, l'imagination fertile des fabricants de produits phytosanitaires a trouvé la solution. Les raccourcisseurs : des produits chimiques qui fonctionnent comme des hormones et rendent le plant de blé nain. En gros, on peut asperger le plant de blé d'azote puisque, grâce au miracle des raccourcisseurs, il ne grandira pas.

Le pot belge

Le cocktail détonant, le pot belge des animaux d'élevage hors sol, c'est un mélange de maïs, riche en énergie, et de soja, riche en protéines. Rien de tel pour faire grandir les bêtes dans des espaces réduits à la vitesse de l'éclair. (...) On a fait couler, à tort, beaucoup d'encre sur les pets des vaches. En réalité, le problème résiderait plutôt dans les rots de ces ruminants, qui contribueraient, l'air de rien, à 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Il faut dire qu'à force de lui faire ingurgiter du maïs fermenté, la pauvre bête pète et rote comme un soudard.

Ce livre est maintenant disponible en format poche
Editions J'ai Lu, janvier 2013


Vidéos

L'émission "C à dire !" avec Isabelle Saporta


Isabelle Saporta chez Ruquier pour "On n'est pas couché" (en 2 parties)



Isabelle Saporta : "Le scandale de la viande de cheval au centre d'un système pourri"


No steak, d'Aymeric Caron

No steak
d'Aymeric Caron

Bientôt, nous ne mangerons plus de viande. Nous cesserons définitivement de tuer des êtres vivants - 60 milliards d’animaux chaque année - pour nous nourrir.

D’abord parce que notre planète nous l’ordonne : en 2050 nous serons près de 10 milliards, et nos ressources en terres et en eau seront insuffisantes pour que le régime carné continue à progresser.

Mais au-delà des raisons économiques et écologiques, le passage au végétarisme va faire partie d’une nouvelle phase de notre évolution. La science nous prouve en effet un peu plus chaque jour que, contrairement à ce que nous avons longtemps prétendu, les animaux que nous exploitons sont des êtres sensibles, intelligents et sociaux. Dès lors, avons-nous encore le droit de les manger ? Le développement de l’éthique animale nous oblige aujourd’hui à reconsidérer nos devoirs vis-à-vis des autres espèces.

Aymeric Caron a mené l’enquête pour décrire, avec verve et humour, tous les aspects de notre étrange rapport à la viande. Pourquoi les chats et les chiens ont-ils un palace qui leur est dédié au Canada alors qu’en Chine ils peuvent finir au fond d’une casserole ? Pourquoi avons-nous choisi de manger en priorité des cochons, des poulets et des boeufs ? Comment ces animaux de consommation sont-ils produits ? Pourquoi Bill Clinton, Carl Lewis et Bryan Adams ont-ils décidé d’arrêter la viande ? Les végétariens vivent-ils vraiment plus longtemps que les carnivores ? Comment peut-on remplacer les protéines animales ?

Lui-même végétarien depuis plus de vingt ans, Aymeric Caron nous fait partager son expérience. Se gardant de tout prosélytisme et refusant les catéchismes de tout bord, il nous explique de manière limpide pourquoi, un jour, la viande disparaîtra.

No steak, Aymeric Caron, Editions Fayard, janvier 2013, 360 pages

A propos de l'auteur

Aymeric Caron est journaliste. Il a été grand reporter, a travaillé à Canal + et Europe 1. Depuis septembre 2012, il fait partie de l’équipe d’On n’est pas couché, animée par Laurent Ruquier sur France 2.

Pour en savoir plus

- Le site d'Aymeric Caron
- Le site des Editions Fayard
- L'excellent documentaire : Ces animaux malades de l'homme
- Ces bêtes qu'on abat, de Jean-Luc Daub
- Bidoche, de Fabrice Nicolino
- Halal à tous les étals, de Michel Turin
- Le cochon qui chantait à la lune, de Jeffrey Moussaieff Masson
- Le site de l'association L214
- Vegan, pour un monde meilleur

Au sommaire

- Avant-propos : L'angoissante tristesse du végétarien
- Le Rien et le Lien : Infos pratiques pour la route
- Combien de végétariens dans le monde ?
Raison n°1 : Parce que la viande détruit la planète
- Deux végétariens dans les airs
- Le Québec et les animaux
- Les nouveaux mangeurs de viande
- La viande contribue à la faim dans le monde
- Viande, calories et déforestation
- 1 kilo de viande = une année de douche
- La viande accentue le réchauffement climatique
Raison n°2 : Parce que nous sommes incohérents avec les animaux
- Menus plaisirs pour chiens et chats
- Chiens et chats sans plaisir au menu
- Phobies et folies
- Salma l'entomophage
- Amours vaches, chiennes ou cochonnes : tout et son contraire
- Tout ce qui a quatre pieds, sauf les tables
- Aimer l'agneau ou les agneaux ?
- Domestique ? De compagnie ? Apprivoisé ?
- La gueule du maître
- Nos premiers amis sont des animaux
Raison n°3 : Parce que l'on n'assume pas la mort de l'animal que l'on mange
- Pas de mort à table
- Une page de pub
- La production industrielle remplace l'élevage
- Comment vivent les animaux que l'on mange ?
- Comment meurent les animaux que l'on mange ?
- Meurtre à distance
- Le jour où j'ai arrêté de manger de la viande
Raison n°4 : Parce que l'amour de la viande est culturel, pas naturel
- Végétariophobie : le racisme de l'assiette
- L'homme est-il programmé pour manger de la viande ?
- Des recettes qui divisent le monde
- Le camembert, le tofu et les oeufs qui puent
- Le goût et le dégoût
- Je remplis ma panse donc je suis
- On ne mange pas seulement pour se nourrir
- L'attachement symbolique à la viande
- La France, bonne élève de l'éducation à la viande
- La viande, un gouffre financier pour le contribuable
- Le ski, la fourrure et les Amérindiens
- L'homme aurait-il dû rester cannibale ?
- Antibiotiques, bactéries, farines animales, etc.
Raison n°5 : Parce que nous n'avons pas besoin de viande pour vivre
- Végétarisme, sport et sexe
- Moins je mange de viande, plus je vis vieux
- La viande tue deux fois
- Plus de protéines dans le soja que dans la viande
- Anne-Marie Roy, diététicienne sans viande
- Fabriquer de la viande... sans animaux
- Le plaisir de manger végétarien
Raison n°6 : Parce que les animaux que nous mangeons nous ressemblent
- "Ce n'est que des bêtes"
- L'illusion du propre de l'homme
- Le vernis de la culture pour cacher notre animalité
- Empathie
- Mettre les poules sur un divan
- L'animal est une personne intelligente
- Pourquoi l'homme a inventé l'animal
- Douleur et souffrance
- Les animaux que nous mangeons sont-ils moins sensibles que les autres ?
Raison n°7 : Parce que la morale nous commande d'arrêter la viande
- "La viande est un meurtre"
- Maltraiter un animal est (parfois) illégal
- L'animal, un bien auquel on fait du mal
- JBJV, le spécialiste français de l'éthique animale
-. Quel genre de philosophe êtes-vous ?
- Peter Singer, Tom Regan, Gary Francione
- Quels droits pour les animaux ?
- Défendre les animaux ou les hommes ?
- Mon éthique personnelle ?
- L'émergence du mouvement végan : de Bill Clinton à James Cameron
- Les végés étaient fermés de l'intérieur
Raison n°8 : Parce que le végétarisme est moderne depuis des millénaires
- Les Indiens Jaïns et Bishnoïs, peuples végétariens
- Le cheval de Nietzsche, le chien de Kundera et celui de Schopenhauer
- Adam et Eve étaient pourtant végétariens
- "Cela crie mais cela ne sent pas !" : l'héritage de Descartes
- Michel Onfray, intellectuellement végétarien
- Le théorème sans viande de Pythagore
- De Plutarque à Hubert Reeves : vingt siècles de végétarisme
- Conclusion
- Remerciements
- Notes

Un extrait du chapitre :
Le jour où j'ai arrêté de manger de la viande

../.. Nous sommes tous plus ou moins des saints Thomas qui ne croyons que ce que nous voyons. L'image sert à croire, mais elle sert surtout à comprendre. Il a fallu que la télévision nationale canadienne Radio-Canada, en 1964, diffuse des images très dures pour que la chasse au phoque soulève l'indignation. On y voyait un chasseur dépecer un bébé phoque, celui-ci étant encore vivant tandis que le couteau le transperçait et l'ouvrait de part en part.
Moi-même, je suis définitivement devenu végétarien un soir, aux alentours de minuit, en regardant des images. J'avais 21 ans et j'étais étudiant en école de journalisme. Le processus qui allait faire de moi un végétarien était déjà enclenché depuis longtemps, et ma consommation de viande avait déjà largement diminué. Au début de l'adolescence, j'avais décrété que je ne mangerais plus de viande d'animal jeune. Il me paraissait inutilement cruel de supprimer une vie à peine commencée au prétexte que le goût de la viande en est meilleur. J'ai donc cessé de manger de l'agneau et du veau.
Quelques années plus tard, je prolongeais mon raisonnement : pourquoi ôter la vie à des animaux de petite taille, dont la chair ne peut nourrir que très peu d'estomacs humains ? Quitte à tuer un être sensible pour satisfaire notre appétit, faisons au moins en sorte que ce sacrifice soit utile à un maximum de personnes, comme c'est le cas quand on exécute un boeuf ou un porc ! Je décidai alors de supprimer de mon alimentation les plus petites espèces, tels les lapins ou les oiseaux. J'en vins logiquement à bannir aussi de mes achats les morceaux de poulet. Je n'étais pourtant pas encore tout à fait tranquille. J'avais pleinement conscience du contenu réel de mon assiette et la viande me plaisait de moins en moins. Son goût et sa substance me devenaient presque désagréables. Le sang s'écoulant du bout de chair réchauffé à la poêle commençait à m'indisposer. J'étais par ailleurs de moins en moins à l'aise avec mes propres contradictions : alors que j'emmenais mes chiens chez le vétérinaire au moindre bobo, je fermais les yeux sur la souffrance des animaux d'élevage que je consentais encore à consommer. Mes proches, pour lesquels le végétarisme s'apparentait à cette époque à une secte étrange, me rassuraient en affirmant que les abattoirs n'en étaient plus au temps où l'on massacrait les animaux à la massue. Ils soutenaient que les bêtes étaient aujourd'hui tuées sans douleur. Et, sans chercher beaucoup plus loin, par facilité sans doute, j'acceptais de les croire. Cette assurance d'une "mort paisible" me permettait d'endormir quelque peu ma conscience.
Et puis, une nuit, je suis tombé sur un reportage dans le journal de France 2. Une vidéo tournée clandestinement dans un abattoir. Elle montrait comment les animaux sont traités lorsqu'ils sortent des camions qui les amènent à la mort. On y voyait entre autres une vache vivante suspendue par une patte au moyen de je ne sais plus quel engin, puis lâchée violemment sur le sol quelques mètres plus bas. Elle agonisait ensuite, secouée de spasmes. Une autre, visiblement blessée, ne pouvait pas se tenir debout et était frappée avec un bâton par un salopard en blouse. D'autres scènes similaires témoignaient des souffrances infligées à des bêtes apeurées quelques instants avant leur mort. C'était donc cela, nos abattoirs exemplaires ? C'était cela, la fin de vie des animaux d'élevage ? Mais alors, le reste de leur existence devait être à l'avenant !
Alors que l'écoeurement me gagnait devant ma télé, me revint aussi en tête l'image de ces camions régulièrement croisés sur l'autoroute, remplis de cochons entassés, cherchant un peu d'air à travers les grilles de leur cage roulante. Ces chargements qui m'avaient toujours indisposé, et dont je tentais immédiatement de chasser le souvenir après les avoir dépassés.
Beaucoup d'omnivores deviennent végétariens après avoir été confrontés à une réalité qu'ils découvrent dans un document vidéo. Ces preuves par l'image ont longtemps circulé dans les seuls milieux associatifs, mais Internet permet aujourd'hui davoir un accès facile à des centaines de films qui témoignent de la vérité de l'exploitation animale. Il est de plus en plus difficile d'affirmer : "Je ne pouvais pas le savoir." Aujourd'hui, deux ou trois clics suffisent.
Ce jour-là, devant ma télévision, à cet instant précis, je décidai que plus jamais je ne mangerais de viande. Et si j'avais su plus tôt, si j'avais vu plus tot, j'aurais arrêté plus tôt. Mais, comme un cancer qui nous ronge ou une femme qui nous trompe, a-t-on vraiment envie de savoir ? A-t-on envie de dire adieu à une tranquillité certes illusoire, mais confortable ? (fin du chapitre)

D'autres extraits
Source

Une vie de poule

Pratiquement chaque être humain sur terre a une poule pondeuse qui travaille pour lui, puisque au total on en dénombre 5 milliards (...) La France utilise 46 millions de poules pondeuses par an. Près de 80% d'entre elles sont élevées de manière industrielle, en batterie. Ces poules pondeuses vivent entassées à plusieurs dans ces cages alignées à l'intérieur de hangars qui contiennent jusqu'à 100.000 oiseaux. Dans sa cage de batterie, chaque poule européenne disposait jusqu'en 2012 d'un espace correspondant à une feuille A4 (550cm2). Désormais, elle bénéficie officiellement d'un espace supplémentaire équivalant à... un Post-it ! (...) Les poules vivent dans des conditions de stress et de détresse psychologique et physique qui génèrent de la violence, et même du cannibalisme (...) A cause de cela, il est fréquent qu'on leur coupe le bec (sans anesthésie, bien sûr) avec une lame chauffante peu de temps après leur naissance, ce qui, outre la souffrance immédiate, occasionne une excroissance qui les handicape ensuite pour manger.

Les poules vivent dans le noir (les hangars n'ont pas de fenêtres), mais des lumières électriques sont allumées régulièrement pour stimuler artificiellement la ponte, ce qui permet d'obtenir environ 300 oeufs en une année, soit deux fois plus que les races d'il y a cinquante ans. (...) Au bout d'un an, la poule finit comme bouillon cube, viande pour chiens et chats ou dans des raviolis.

Une industrie sous perfusion

Le marché de la viande tient largement grâce aux subventions. Subventions de l'Europe en premier lieu. L'association L214, qui lutte en France contre les souffrances infligées aux animaux d'élevage, révèle que le montant des aides de l'Union européenne aux productions animales s'élevait en 2009 à plus de 3 milliards d'euros. (...) L'Europe subventionne aussi les campagnes de promotion de la viande : ainsi, en 2008, le Centre d'information des viandes a décroché une aide de près de 900.000 euros sur trois ans. Et puis il y a les subventions nationales. Toujours selon L214, en 2008, la filière cunicole (les élevages de lapins) a bénéficié de 1 million d'euros. En 2009, les producteurs laitiers se sont vu attribuer une aide exceptionnelle de 15.000 euros par exploitation. (...) Selon l'OCDE, la pollution des eaux aux nitrates et aux pesticides coûte entre 1 et 1,5 milliard d'euros à la France chaque année. Payés par le contribuable.

Vive le steak de soja !

Pas de viande = pas de protéines. Voilà une idée reçue qu'il faut démentir une bonne fois pour toutes. D'ailleurs, l'aliment qui fournit le plus de protéines n'est pas d'origine animale : il s'agit du soja. Il en contient environ 40%, soit deux fois plus que la viande (de 15 à 20%). D'autres légumineuses sont des sources importantes de protéines : les haricots secs, les lentilles et les pois chiches (autour de 20%), ou encore l'arachide (près de 30%). En ce qui concerne les céréales, on compte entre 10 et 15% de protéines dans le riz, le blé, l'orge, le millet, le seigle, le sarrasin, l'avoine, le quinoa, le maïs, le Kamut et l'épeautre. On en trouve environ 25% dans le germe de blé (...) Les graines oléagineuses telles que les graines de lin, de sésame, de tournesol et de pavot contiennent environ 20% de protéines. Les épinards, les brocolis ou les algues sont également particulièrement riches en protéines. (...) Dernier argument des ardents défenseurs de la viande : la vitamine B12, qui sert à la formation des globules rouges dans le sang, ne se trouve quasiment pas dans les plantes. Serait-ce enfin la preuve qu'on ne peut se passer de viande ? Eh bien, non. Car la B12 est présente dans le lait et dans les oeufs.

Le mythe de la mort douce

Depuis 1964, la loi française oblige à étourdir les animaux de boucherie avant la saignée, et ce pour deux raisons : réduire la douleur de l'animal au moment de la mise à mort et assurer la sécurité du personnel. L'étourdissement se pratique soit à l'aide d'un matador (un pistolet qui perfore le crâne jusqu'à la cervelle), soit par électronarcose (la tête est plongée dans un bac rempli d'un électrolyte - c'est la méthode utilisée pour les volailles), soit par administration d'une décharge électrique derrière la tête, soit par gazage.

L'étourdissement doit garantir que l'animal est inconscient lorsqu'il est tué. Mais, dans les faits, les choses ne se passent pas toujours ainsi. (...) Fréquemment, le courant utilisé pour l'étourdissement par décharge électrique n'est pas suffisamment fort, ou les pinces sont mal placées sur la tête de l'animal. Il faut donc recommencer l'opération, ce qui occasionne une douleur supplémentaire. Pour l'électronarcose, les volailles sont suspendues par les pattes afin que leur tête soit plongée dans un bain électrifié. Mais, souvent, l'animal relève la tête, échappant à l'anesthésie, ou bien se débat au moment où il est accroché par les pattes : ses ailes touchent alors l'eau électrisée, ce qui lui vaut une violente décharge électrique, sans l'endormir pour autant. Parfois encore, le temps entre l'étourdissement et l'égorgement est trop long et l'animal reprend conscience. L'étourdissement n'est donc pas une garantie de mort tranquille.

"Pourquoi on ne mangera plus de viande"
Entretien avec Aymeric Caron
Propos recueillis par Alexandre Le Drollec
Source

Aymeric Caron publie “No Steak” (Fayard). Le chroniqueur de "On n’est pas couché", lui-même végétarien, prédit l’avènement du végétarisme universel dans un futur proche.

Ecrire "No Steak" semble vous avoir libéré d’un poids.

Ce n’est pas un coming out mais, oui, j’avais des choses à dire sur ce que j’éprouve depuis vingt ans que je suis végétarien. J’ai souvent dû faire face à des sarcasmes à cause de ce régime alimentaire qui, aux yeux de beaucoup, paraît bien particulier. Pendant des années, je n’ai pas souhaité me justifier. Mais quand on est végétarien, on doit forcément expliquer pourquoi. Aujourd’hui, j’en parle très librement.

Comment êtes-vous devenu végétarien ?

Ca s’est fait sur une dizaine d’années. J’ai d’abord réalisé que l’homme avait un problème dans ses rapports avec les animaux : précautionneux avec les animaux de compagnie, tout l’inverse avec les autres. J’ai un temps été bercé par l’illusion que les animaux mangés étaient bien traités. Mais un jour, j’ai vu un reportage sur la réalité des abattoirs. J’ai basculé "dans l’autre monde".

“Le végétarien est chiant”, écrivez-vous. Vous êtes chiant ?

Oui, le végétarien est chiant. Il ennuie tout le monde. Il est celui qui, à table, quand il est invité, créé un problème. Le végétarien est aussi celui qui remet en cause les certitudes des autres. Il force le non-végétarien à s’interroger. Donc il est chiant. Et puis si on ne mange pas de viande, c’est qu’on n’aime pas les plaisirs de la chair. Le végétarien est morne, triste, chiant.

“L’animal est une personne intelligente”, écrivez-vous. C’est une conviction ?

Je m’appuie sur des travaux de scientifiques qui ont étudié le comportement des éléphants, des dauphins ou des rats. Ce sont des faits. Je fais là mon métier de journaliste. Quand j’ai couvert les conflits en Irak ou en Afghanistan, de la même manière, je m’appuyais sur des faits. Ce ne sont pas des convictions sorties de nulle part.

Vous vous défendez de tout prosélytisme. Le parti pris est pourtant là.

J’apporte des informations. Maintenant, le livre s’appelle “No Steak”. Donc, évidemment, le parti pris est d’expliquer pourquoi on ne mangera plus de viande et pourquoi je suis partisan du fait qu’on n’en mange plus. Je l’assume. Ce serait hypocrite de dire le contraire.

Vous avez été grand reporter : en Irak, au Kosovo, en Afghanistan. Le terrain ne vous manque pas ?

Ce sont des terrains qui abiment. On est toujours dans l’intranquillité. Une intranquillité liée à l’endroit d’où l’on revient, et à l’endroit où on va partir. Aujourd’hui, j’ai gagné en sérénité.

Vous avez rejoint “On n’est pas couché” en septembre. Comment vivez-vous votre nouvelle médiatisation ?

Je n’y pense pas vraiment, même si j’ai bien conscience que cette émission a changé quelque chose dans ma vie. Ca a été une chance. “On n’est pas couché” est l’un des rares espaces de liberté pour les journalistes, et pour la pensée en général. On y est moins formatés et plus libres que dans d’autres émissions dites plus journalistiques.

Ca a été facile de trouver le ton juste ?

Je suis arrivé dans une émission qui obéit à une mécanique que tout le monde connait. Natacha Polony avait déjà ses marques, pas moi. J’ai dû essayer de trouver ma place. Il m’a fallu un peu de temps pour comprendre l’émission de l’intérieur. Donc oui, il y a eu des choses à régler et des ajustements à trouver. Au niveau de la rythmique, de la tonalité et du bon moment pour intervenir.

Quels sont vos projets ?

Faire de "No Steak" un documentaire. Avec une équipe, on travaille d’ores et déjà sur un synopsis.

Avec la sortie du livre, le chroniqueur va désormais être chroniqué ?

Et c’est bien normal. Je suis très heureux d’être chroniqué, d’être critiqué même. A partir du moment où mon rôle consiste à proposer une lecture critique du travail des autres, il est tout à fait normal que mon travail soit, lui aussi, soumis au feu des critiques. Je suis prêt à jouer le jeu à 100%. Ca va peut-être permettre à certaines personnes de se défouler. Qu’elles ne s’en privent pas surtout !

23 janvier 2013

Halal à tous les étals, de Michel Turin

Halal à tous les étals
de Michel Turin

Ce qui se passe dans les abattoirs est un des derniers tabous de notre société. L’insoutenable y est la norme, et l’intérêt bien compris de la filière viande est de cacher ce sang que nous ne saurions voir. Ce tabou en recouvre un autre, plus strict encore : celui des abattages rituels musulman et juif, qui sont censés être strictement codifiés, encadrés et contrôlés. Par dérogation, la loi autorise dans ces cas un égorgement des animaux sans qu’ils soient étourdis au préalable, comme c’est la règle pour l’abattage "traditionnel". Cela induit de grandes souffrances, surtout quand l’abattage est opéré par des sacrificateurs sans formation.

Saviez-vous que dans les faits c’est plutôt la règle que l’exception, comme l’est d’ailleurs l’abattage rituel lui-même ? Ainsi nous mangeons tous halal ou cacher sans le savoir, et l’émoi suscité par cette révélation pendant la campagne présidentielle de 2012 n’y changera rien, car c’est toute la filière viande qui, par commodité ou simplement pour survivre, s’est "convertie" au tout-rituel.

Ce qui n’empêche pas les consommateurs musulmans de se voir souvent proposer des produits qui n’ont de halal que le nom, car l’absence de toute norme officielle ou autorité reconnue comme légitime favorise la prolifération de certifications frauduleuses, opportunistes, ou simplement bâclées, ce dont toute la filière semble s’accommoder. C’est que des intérêts financiers majeurs sont en jeu…

Le statu quo risque donc de durer. Ce sont les consommateurs de toutes croyances ou sans croyance qui en font les frais, mais aussi et surtout les animaux d’abattoir, qui continuent à mourir, toujours plus nombreux, dans d’atroces souffrances.

Une partie de la classe politique s’est emparée du halal et en a fait un thème de campagne en 2012. Mais la question, qui déchaîne les passions, mérite plus et mieux : une véritable enquête, sans oeillères, préjugés ni arrière-pensées sur "l’extension du domaine du halal" qui affecte nos vies de façon parfois inattendue. La voici.

Halal à tous les étals, Michel Turin, Editions Calmann-Lévy, 2013, 336 pages

A propos de l'auteur

Michel Turin est journaliste économique. Il a été responsable des pages finances des Echos pendant une dizaine d'années. Parallèlement à ses activités de journaliste dans plusieurs journaux et magazines économiques et financiers, il a tenu pendant une quinzaine d'années une chronique quotidienne sur Radio Classique. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont "Profession escroc" (François Bourin, 2010).

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Calmann-Lévy
- Le dossier de l'association L214 : Abattage rituel
- L'article Viande, la nouvelle guerre de religion
- L'article Halal : ce que nous cachent les abattoirs
- L'excellent documentaire : Ces animaux malades de l'homme
- Le reportage d'Envoyé Spécial : Le scandale de la viande halal
- Ces bêtes qu'on abat, de Jean-Luc Daub
- Bidoche, de Fabrice Nicolino

"La souffrance des animaux dépasse les considérations religieuses"
Un entretien avec Michel Turin,
par la Fondation 30 Millions d’Amis

Source

Chaque mois, 30millionsdamis.fr donne la parole à une personnalité investie dans la protection des animaux et de la nature. Le journaliste Michel Turin, auteur de l’ouvrage "Halal à tous les étals", revient sur les conditions d’abattage des animaux en France et dénonce un scandale économique et sociétal.

Fondation 30 Millions d’Amis : Vous êtes journaliste économique. Pourquoi un ouvrage sur les abattoirs français et la souffrance animale ?

Michel Turin : Je compte parmi mes amis un inspecteur vétérinaire, un fonctionnaire qui travaille dans une préfecture. Son travail est de contrôler les abattoirs mais aussi de vérifier que des animaux ne sont pas abattus clandestinement lors de certaines fêtes religieuses. En discutant avec lui, j’ai découvert un véritable sujet de société dont j’ignorais tout. C’était en 2006. J’ai décidé de mener mon enquête, à la fois pour mieux connaître ce qui est en réalité un véritable business, mais aussi ses conséquences, comme la souffrance des animaux.

F30MA : Selon de nombreux spécialistes, cette souffrance est accrue lors d’un abattage sans étourdissement préalable (dit aussi rituel). Etes-vous parvenu à la même conclusion ?

M.T. : Oui. Mais je dois reconnaitre que je n’ai pas pu visiter un seul abattoir, quelle que soit la forme d’abattage pratiquée dans celui-ci. Ces structures sont très méfiantes ! Je me suis donc appuyé sur les nombreuses vidéos en caméra cachée qui ont été réalisées par des associations de protection animale. S’il est certain que les abattoirs sont loin d’être des paradis, l’abattage sans étourdissement préalable est une souffrance supplémentaire infligée aux animaux. D’ailleurs, les experts qui affirment le contraire sont toujours juges et parties : ils défendent l’abattage sans étourdissement, ce qui soulève quelques doutes sur leur objectivité. Aux Pays-Bas, une loi visant à supprimer l’abattage sans étourdissement a finalement abouti - après avoir été retoquée une première fois - à la réalisation d’un "post étourdissement" : si l’animal égorgé est toujours conscient après 40 secondes, il doit être étourdi. C’est pour moi la preuve que l’étourdissement atténue de manière évidente les souffrances de l’animal.

F30MA : Votre ouvrage ne stigmatise pas les communautés qui respectent l’abattage "rituel". Que cherchez-vous à démontrer dans ce livre ?

M.T. : Je souhaite que chacun comprenne que, contrairement à ce que croient de nombreuses personnes, les consommateurs qui achètent de la viande issue de l’abattage rituel n’ont rien demandé ! Et que stigmatiser ces communautés est une erreur, voire une faute politique. L’industrie de la viande en France - qui se porte mal, il faut le rappeler - n’a de cesse d’instrumentaliser la religion pour servir ses propres intérêts. Aujourd’hui, les professionnels de la viande se servent de ce produit pour asseoir leur marché et continuer à vendre de la viande. Mais ils ne veulent pas que le consommateur le sache, d’où l’absence d’étiquetage pour ne pas nuire à la vente de viande issue d’animaux qui n’ont pas été étourdis. C’est d’autant plus condamnable que les acteurs économiques sont en train de créer un véritable apartheid alimentaire, à la fois sur le dos des consommateurs, mais aussi au mépris le plus total du bien-être animal.

F30MA : Dans certains pays, l’abattage sans étourdissement est interdit. Pourquoi est-il toujours toléré en France en dépit d’un débat passionné ?

M.T. : Il y a un manque de volonté, que je qualifierai même de lâcheté, de la part de nos responsables politiques. Ils refusent, quel que soit le courant idéologique qu’ils défendent, d’aborder de front le problème des viandes halal et casher. A cela s’ajoute un véritable tabou puisque ceux qui s’y attaquent sont, du fait d’une argumentation parfois simpliste, taxés d’islamophobie ou d’antisémitisme. Ce n’est pas avec des arguments violents et empreints d’intolérance que le sujet sera abordé avec sérénité. C’est à chacun de réfléchir et d’agir de façon citoyenne, et cela vaut pour tous les modes d’abattage ; car aujourd’hui, de nombreux animaux souffrent, bien au-delà des pratiques religieuses.

F30MA : Tout livre participe à construire son auteur. Qui êtes-vous devenu après la rédaction de celui-ci ?

M.T. : Cette enquête m’a ébranlé. Je me pose dorénavant beaucoup plus de questions, à la fois sur l’abattage mais aussi sur l’élevage des animaux que je consomme. Je pense que je dois réduire ma consommation de viande et faire attention à son origine. Et peut-être un jour, prendre une décision radicale : nous avons les uns et les autres des animaux de compagnie pour lesquels nous avons beaucoup d'affection ; mais pourquoi leur vie vaut-elle davantage à nos yeux que celle d’une vache ou d’un mouton ? C’est une réflexion qui suit désormais son cours dans mon esprit, et j’espère que mon livre soulèvera les mêmes interrogations dans l’esprit des lecteurs.

Signez la pétition demandant la fin de l'abattage sans étourdissement préalable.
A lire aussi : Viandes : la barbarie des élevages américains dénoncée.



Des extraits du livre
Source

Le halal, une niche pour la grande distribution

- Les consommateurs de produits halal ne peuvent pas rater la "zone identifiée halal" du Géant Casino de Roubaix. Stratégiquement située au beau milieu de l'hypermarché, surmontée d'une grande banderole Wassila, la marque halal de Casino emprunte sa décoration à l'univers des "Mille et une nuits". Les linéaires, bien remplis, parcourus par des clientes voilées et non voilées, sont une invitation au voyage subméditerranéen : nouilles chinoises halal, sauces chinoises halal, produits du Maroc et d'Algérie, vinaigre Le Bled d'une grande vinaigrerie constantinoise sur l'étiquette duquel est écrit "halal", sans plus de précision, vinaigre d'alcool coloré Philippe Dessaux (un produit tunisien pour lequel il est précisé : "La consommation du vinaigre est tolérée suite à la lettre de Monsieur le Mufti de Tunisie en date du 10 juin 1981"), nuggets de dinde Réghalal, certifiés par la mosquée d'Evry, poulet jaune et poulet blanc Wassila, Shems, des steaks hachés ("traçabilité 100% halal, sacrifice dans le respect du rite islamique, boeuf français"). Les hypermarchés Géant Casino proposent plus de 400 références de produits halal, soit 3% à 4% de leur offre totale. Gilles Briand, adhérent Intermarché, responsable du marketing de l'enseigne, annonçait qu'Intermarché Hyper élargissait son offre en 2011 aux prix Mousquetaires avec "des produits traditionnels et une tendance au bio, halal, ethnique."
Comme d'autres enseignes, Carrefour a longtemps hésité à afficher ouvertement sa volonté de conquérir les consommateurs de confession musulmane. Le groupe de distribution a franchi le pas fin 2010 en lançant pour les fêtes du foie gras... musulman, plat traditionnel s'il en est. -

Un instrument de torture médiéval

- D'après l'article 2 de l'arrêté du 12 décembre 1997, "dans le cas de l'abattage rituel, l'immobilisation des animaux des espèces bovine, ovine et caprine doit être assurée au moyen d'un procédé mécanique appliqué préalablement à l'abattage et maintenu jusqu'à la saignée". Les abattoirs sont équipés d'un box de contention. Il s'agit d'un énorme cylindre métallique pesant 6 tonnes, faisant 3 mètres de longueur, 2,5 mètres de largeur et 2,6 mètres de hauteur - pour reprendre les caractéristiques techniques d'un modèle commercialisé par la société normande Norman, un spécialiste français des équipements pour l'abattage et la manutention des viandes. "C'est une sorte de gros tonneau en métal", dit Jean-Pierre Kieffer, le président de l'OABA (Oeuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoir). La description effrayante du box d'abattage rituel, telle qu'elle apparaît sur le site de Norman, ressemble à s'y méprendre à celle d'un instrument de torture médiéval. Voici le mode d'emploi : "L'animal est introduit dans le box depuis le couloir d'amenée (son couloir de la mort, pour appeler les choses par leur nom, comme ne le fait pas, bien sûr, le fabricant). Un dispositif anti-recul situé à l'arrière du box permet d'avancer et de maintenir l'animal à l'avant du box. La contention de l'animal est assurée par serrage haut et bas du panneau latéral. La tête est ensuite bloquée par un système de guillotine et de mentonnière permettant l'immobilisation de la tête nécessaire au sacrifice rituel. Après avoir effectué une demi-rotation, le box présente la gorge de l'animal, renversé sur le dos, à la lame du couteau du sacrificateur" -


22 janvier 2013

Vive la malbouffe ! de Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet et Olivia Recasens

Vive la malbouffe !
écrit par Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet
et Olivia Recasens
illustré par Wozniak

Voici le premier guide enthousiaste de la malbouffe ! Comme elle est partout, il s’agit donc de positiver ! Le lecteur pourra ainsi, à coup sûr, choisir les tomates les plus insipides, apprendre à reconnaître les pommes qui ont reçu le plus de pesticides, se préparer à déguster les poulets javellisés importés des Etats-Unis, dénicher les produits les plus gras, s'extasier devant l'inventivité de l'agro-industrie : l'huile de moteur dans l'huile de tournesol, les vieux fromages réincorporés dans les fromages fondus, le pain industriel fabriqué à partir de pâte surgelée, etc.

Visitez la France des abattoirs qui ne respectent pas les normes d'hygiène, les saumons d'élevage assaillis par les poux de mer, les élevages de veaux piqués aux anabolisants et hormones de croissance ! Découvrez les lobbys qui à votre insu rajoutent du sel dans vos plats préparés, bourrent vos enfants de sucreries, assaisonnent d'allégations santé fantaisistes leurs pubs pour yaourts... Et bon appétit à tous !

Illustré par les dessins de Wozniak, ce guide est composé de textes courts et drôles reprenant des informations servies toutes chaudes dans la rubrique spécialisée d'un célèbre hebdomadaire satirique. Elles ne dépassent pas la date de péremption, promis !

Vive la malbouffe ! écrit par Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet et Olivia Recasens, illustré par Wozniak, Editions Hoëbeke, 2009, 192 pages

A propos des auteurs

Christophe Labbé et Olivia Recasens sont journalistes au Point. Jean-Luc Porquet et Wozniak sont journaliste et dessinateur au Canard enchaîné.

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Hoëbeke
- L'excellent documentaire Ces animaux malades de l'homme
- Toxic Food, de William Reymond
- Mauvaises nouvelles de la chair, de Marie Rouanet
- La rubrique Industries et lobbys pour d'autres livres sur le même thème

"Animal on a mal"
un article de Jean-Luc Porquet,
paru dans "Le Canard Enchaîné" du 14.03.2007

L'agro-alimentaire est là pour nous régaler, mais elle fait surtout "déguster" la planète. La faute à qui ? A tous : du consommateur à l'agriculteur. C'est ce qu'en conclut Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard qui, de sa plume aiguisée, traite la sortie du film-documentaire "Notre pain quotidien". A voir résolument, même si cela nous renvoie tous devant notre responsabilité collective mais aussi individuelle...

Tiens, si on parlait des animaux ? On ne les entend pas beaucoup, dans cette campagne. Nous autres humains avons déjà assez à faire : s'il fallait, en plus, s'occuper des bestioles, n'est-ce pas...

Voici pourtant l'occasion : pour le film "Notre pain quotidien", qui sort cette semaine, Nikolaus Geyrhalter a planté sa caméra dans les abattoirs, les élevages industriels, les serres géantes, les champs, les mines de sel, les vignes de notre moderne Europe. Il nous montre ce que nous n'aimons pas voir : comment fonctionne l'énorme machinerie grâce à laquelle nous remplissons nos assiettes.

Non, nous ne voulons pas voir ces milliers d'animaux qui passent leur vie entassés, enfermés dans leurs boîtes, leurs cages, leurs prisons ; voir ce boeuf qui tremble de terreur devant le tueur qui va l'exécuter d'un coup de pistolet électrique, et son cadavre être retourné par un robot, saisi par les pattes arrière, suspendu à la chaîne, et son successeur s'affoler à cette vue, rouler des yeux effarés et trembler devant le pistolet qui s'approche... C'est trop facile de jouer sur notre sensibilité de citadins, sur notre, lâchons le mot, sensiblerie.

Nous savons bien qu'on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs ni de steaks saignants sans tuer les boeufs. Ne nous montrez pas ces robots qui tuent, éventrent, découpent, trient ; et qui laissent à de rares salariés le soin de faire ce que les machines ne peuvent encore exécuter habilement, édenter les porcelets, leur couper la queue, etc. Ne nous montrez pas ces ouvriers solitaires, enfermés dans le mutisme et le boucan mécanique, esclaves de la cadence imposée par la machine, cheptel pas moins entravé que l'autre.

Que l'industrie agroalimentaire n'ait plus aucun rapport avec la ferme d'antan ; que le vivant y soit formaté pour la consommation de masse ; que ses méthodes déshumanisent, nous le savons, évidemment. Mais nous préférons croire au monde enchanté des publicités, où de braves paysans aux tronches authentiquement "à l'ancienne" nous vantent leurs "produits du terroir". Nous voulons du rêve et de la légende, pas du réel.

La dernière fois qu'on nous a parlé d'animaux, c'était il y a un mois, lorsque le virus H5N1 a débarqué dans un élevage de dindes anglais. 860 bêtes en sont mortes, mais, plutôt que de soigner ou d'épargner les autres, on a préféré les tuer. 160.000 dindes exécutées. Oublions vite. Arrêtez de nous parler des animaux...

Jean-Luc Porquet

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La loi de la "junk"
un article de Jacky Durand
paru dans Libération du 08.06.2009

C’est le genre de bouquin qui vous donne envie de hurler "Beurk !" au fond de votre cuisine. Et pourtant quel délice salutaire de dévorer Vive la malbouffe ! Parce que ce bouquin va décomplexer tous les névrosés du rata, les angoissés du graillon, les frigides du fourneau, les toxicos de la junk food en leur démontrant magistralement une évidence : la malbouffe est partout dans notre assiette , des amuse-bouche aux mignardises, en passant par entrée-plat-fromage-dessert et quart de rouge compris. Et ne rigolez plus à la truffe de votre clébard quand il s’enfile son infâme pâté ou ses croquettes qui fouettent : "27% des produits alimentaires premier prix vendus en France sont au-dessous des normes de qualité exigées pour les aliments pour chien et chat." C’est le docteur Christian Recchia, éminent chercheur en science des aliments et expert en "stratégie qualité" pour 27 filières agroalimentaires, qui le dit dans le livre. Vous reprendrez bien un peu de Canigou ou de Ronron ?

Allez, on range nos boulettes à deux balles pour s’attabler devant un autre constat majeur de Vive la malbouffe ! : on ne sait plus à quoi ressemble la queue d’un radis, une plume de poulet ou une écaille de hareng parce que 70% de la production agricole est directement acquise par les industriels de l’agroalimentaire qui achètent à notre place les produits frais. Vous n’êtes toujours pas rassasié. Alors voilà par le menu quelques tranches de Vive la malbouffe !

Apéro

Vous prendrez bien un petit verre de vin, mais gare au truandage en bouche, du genre vin en camion-citerne déguisé en AOC. Les auteurs citent une étude de la répression des fraudes sur les vins servis durant l’été 2004 dans 4.000 établissements français : près du tiers était en infraction, la palme revenant à un restaurateur de Haute-Garonne, dont la carte affichait 45 "erreurs" sur les 50 bouteilles proposées. Et puis, vous grignoterez bien une petite rondelle de saucisson : "Une équipe de l’Inra a découvert que deux staphylocoques (carnosus et xylosus) pouvaient enrichir les saucissons en cétones, des composés organiques qui dégagent de délicieuses odeurs épicées." Vous pourrez aussi croquer dans un cornichon. Ceux de Bangalore en Inde où poussent 60% de la production mondiale achetée 20 centimes d’euro le kilo aux paysans locaux. "Petit hic : comme il fait très chaud à Bangalore, les bactéries transmises par les insectes sont plus coriaces et il faut utiliser plus de pesticides pour en venir à bout."

Entrée

Ah, les bonnes tomates aux pesticides arrosées d’une huile d’olive qui n’a rien de vierge. Vive la malbouffe ! cite les joyeusetés débusquées par la Répression des fraudes en 2007 : "Des huiles d’olive composées pour plus de moitié d’huiles de tournesol, l’incorporation de graisses industrielles et d’huile de grignon (en clair, du tourteau d’olives, le déchet qui reste après le pressurage des olives), des huiles espagnoles bas de gamme changées en huiles d’olive françaises…" Quant à la tomate, elle a perdu de ses arômes et sa chair est farineuse depuis que "dans les années 90, on l’a dotée d’un gène qui lui a permis d’allonger de trois semaines sa durée de vie après cueillette".

Poisson

Vous préférez ouvrir une boîte de sardines ? Attention, vous n’avez qu’une chance sur vingt et une de tomber sur de véritables sardines depuis que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a contraint l’Union européenne à accepter que sous l’appellation "sardine" soient vendus la sardinelle, le hareng, le spart ou le sardinop du Pérou, soit au total 21 "produits de type sardine". Vous voulez vous consoler avec une poêlée de coquilles Saint-Jacques ? Alors gaffe aux tricheurs nous expliquent les auteurs de Vive la malbouffe ! : certains n’hésiteraient pas à tremper dans l’eau les noix de Saint-Jacques pour qu’elles pèsent 30% de plus sur la balance…

Volaille

Il faut pas moins de 84 jours pour qu’un poulet élevé en plein air atteigne son poids d’abattage contre 40 jours pour un poulet industriel. Cherchez l’erreur ? Une "viande dure et fade" pour le volatile qui a poussé le plus vite.

Viande

C’est une triste vérité : le cochon industriel (corps allongé pour accueillir plus de viande autour de la colonne vertébrale, cuisses musclées pour donner de beaux jambons) a un petit moral. La faute à un gène d’hypersensibilité au stress dont il est affublé et qui peut le terrasser d’une crise cardiaque à la moindre contrariété. Du coup, certains cherchent à leur offrir de meilleures conditions de vie. A quand les saucisses au Prozac ?

Légumes

Sachant qu’avec 77.000 tonnes utilisées par an, la France est le troisième plus gros consommateur de pesticides au monde, ça fait réfléchir quand on doit manger cinq fruits et légumes par jour. Si vous optez pour le bio, il n’y en aura pas pour tout le monde, puisqu’en France l’agriculture biologique ne couvre que 2% des surfaces cultivées. Et puis ça coûte de l’oseille de becqueter sain : "Manger entièrement bio revient 50% plus cher", explique Vive la malbouffe !

Fromages

Edifiant ce constat : "Depuis un décret pondu en avril 2007, les fromages 'fermiers' n’ont plus besoin d’être fabriqués de A à Z à la ferme. Un industriel peut faire la tournée des éleveurs pour acheter le fromage en blanc (caillé, égoutté et moulé), l’affiner dans son usine, puis coller dessus l’étiquette 'fermier' et le prix qui va avec (jusqu’à 20% plus cher en épicerie fine)."

Dessert

Envie d’une petite glace ? Pleine de sirop de maïs (à la place de sucre blanc), d’arômes plutôt que de vrais fruits, de lactosérum et de vent. Oui de vent car il suffit d’insuffler de l’air dans un sorbet industriel pour lui faire prendre du volume. Que Choisir révélait ainsi en mars 2008 qu’un sorbet d’une grande marque de surgelés n’affichait sur la balance que 561 grammes de matière par litre…

21 janvier 2013

Au suivant de ces pandas... de David Taylor

Au suivant de ces pandas...
Un vétérinaire de zoo raconte
de David Taylor

Comment administrer un lavement de café noir à un guépard ? Comment anesthésier un poisson ? Faire une prise de sang à un marsouin ? Plâtrer la patte d'un tatou ?

David Taylor vous l'apprendra dans ce livre. Après son "Allô docteur mon puma a avalé une pelote de ficelle !", l'un des livres les plus drôles de l'année, il nous invite cette fois à visiter en sa compagnie tous les parcs zoologiques où il est appelé en urgence.

Avec un humour et une tendresse de tous les instants, David Taylor vous fera découvrir l'extraordinaire diversité de ce monde animal qu'il connaît mieux que personne, où le lion somnole vingt heures sur vingt-quatre, la girafe ferme l'oeil sept minutes par nuit, et le dauphin ne se repose que par courtes étapes de trente secondes.

Et les pandas dans tout cela ? Ils ne sont pas oubliés, loin de là. David Taylor est incollable à leur sujet : le vétérinaire qui a guéri Chan Chan, le panda madrilène, de son ulcère à l'estomac, c'est lui !

Au suivant de ces pandas..., David Taylor, Editions Presses de la Cité, 1985, 186 pages

A propos de l'auteur

Dès son plus jeune âge, David Taylor s'obstine à soigner les animaux qui l'entourent. Il deviendra, tout naturellement, vétérinaire, exerçant ses talents sur une clientèle composite, constituée d'animaux familiers ou domestiques. Toutefois, la passion de son métier, liée à son amour des bêtes, le fait vite se tourner vers les animaux exotiques. Il devient dès lors vétérinaire de zoo et nous entraîne dans une série d'aventures tour à tour drôles, passionnantes ou attendrissantes...

Pour en savoir plus

- Allô docteur mon puma a avalé une pelote de ficelle ! de David Taylor
- Allo véto ? Bobos... de Jean-Louis Patin
- Un éléphant dans ma salle d'attente, de Florence Ollivet-Courtois
- Des livres de Marie-Claude Bomsel
- Des livres de Philippe de Wailly
- D'autres récits de vétérinaires