11 mars 2011

Les clefs de la communication animale, d'Anne Teyssèdre et Cécile Aquisti

Les clefs de la communication animale
d'Anne Teyssèdre
illustrations de Cécile Aquisti
préface de Robert Barbault

Pourquoi les chats ronronnent-ils ? Que se disent les fourmis lorsqu'elles gesticulent, comme en une intense conversation ?

Pour informer leurs congénères, tromper une proie, attirer un partenaire, les animaux ont des raisons multiples de communiquer. Cet ouvrage nous explique pourquoi, comment, dans quels contextes les signaux sont émis, quels rôles ils jouent dans la dynamique de l'équilibre entre les espèces, dans les écosystèmes. Il est ponctué d'exemples fascinants comme celui de la danse des abeilles ou de l'oiseau à berceau qui construit et décore un édifice complexe pour se signaler à ses partenaires potentielles.

Les clefs de la communication animale dévoile les mystères des comportements les plus étonnants. Les exemples spectaculaires sont illustrés par des dessins qui présentent avec exactitude les scènes les plus difficiles à saisir dans la nature. Des cas concrets, des plus célèbres aux plus mystérieux, explorés et expliqués en détails. Plus de 70 dessins originaux, une présentation et un texte attrayants et accessibles, y compris aux plus jeunes.

Les clefs de la communication animale, Auteur : Anne Teyssèdre, Illustrations : Cécile Aquisti, Préface : Robert Barbault, Editions Delachaux et Niestlé, 2006, 191 pages, 70 dessins originaux

A propos de l'auteur

Docteur en biologie de l'évolution, écologue, Anne Teyssèdre se consacre depuis une quinzaine d'années à la diffusion scientifique, notamment dans le cadre de ses activités de correspondante du Muséum national d'histoire naturelle. Elle collabore également au Mécanisme européen d'échange sur la biodiversité tenu par l'Agence européenne de l'environnement.

Au sommaire

Introduction - La communication animale sur la scène de l'évolution
- Le langage animal et l'éthologie
- Le comportement et l'instinct
- L'adaptation du comportement
- Evolution et adaptation du comportement social
- Les excès du "tout-adaptatif"
- L'adaptation des signaux
Chapitre 1 - Qu'est·ce que la communication animale ?
- Une définition fonctionnelle
- Tous les êtres vivants communiquent
- Evolution et codage des signaux
- La communication est parfois trompeuse
Chapitre 2 - Les canaux de communication : mode d'emploi
- Les signaux chimiques
- Les signaux optiques
- Les signaux sonores
- Les signaux tactiles
- Les signaux électriques
Chapitre 3 - La défense d'une ressource limitée
- La réglementation des conflits
- La vie en groupe et la reconnaissance des intrus
- La défense d'un abri
- La défense du domaine vital
- La défense d'un territoire de reproduction
- Le marquage de l'hôte
- La priorité d'accès à la nourriture
- La défense d'accès aux partenaires sexuels
Chapitre 4 - La communication sexuelle
- Appels sexuels
- Et signaux de reconnaissance à proximité
- Caractères de séduction et critères de choix
- Le sex-appeal des exhibitionnistes
Chapitre 5 - La communication familiale
- L'identification des jeunes
- La reconnaissance individuelle de la progéniture
- Empreinte et attachement familial
- La protection des jeunes
- Le nourrissage des petits
- L'éducation des jeunes
Chapitre 6 - L'assistance sociale
- L'union contre les intempéries
- L'union contre l'hôte
- L'union contre le célibat
- La protection collective contre les prédateurs
- La défense collective
Chapitre 7 - L'alimentation collective
- La prospection en groupe
- Prospection et collecte coopératives
- La chasse collective
Chapitre 8 - De la crèche à l'école
- Les aides parentaux
- L'instruction des jeunes
- Le jeu social
Chapitre 9 - La médiation des alliances et des conflits sociaux
- La solidarité des insectes sociaux
- Querelles et conflits au sein des colonies d'insectes
- Solidarité et conflits chez les vertébrés supérieurs
- Inhibitions sexuelles chez les mammifères sociaux
- La communication amicale
- La réconciliation des adversaires
Chapitre 10 - La collaboration entre espèces amies
- Appels au secours
- Les appels appétissants des plantes et des champignons
- Signaux de reconnaissance
- Et rituels de présentation
- Alerte commune contre les prédateurs
- Intimité entre espèces proches
- Et amitiés entre espèces éloignées
Chapitre 11 - La dissuasion entre espèces ennemies
- Signaux de mise en garde
- Bluffs de proies
- Cris de harcèlement
- Menaces entre compétiteurs
Chapitre 12 - Le mimétisme offensif
- Pièges et appels de prédateurs
- Manipulations de parasites
- Les mensonges des veuves et des coucous
- Subterfuges de parasites sociaux
- Déguisements d'esclaves
Conclusion
- L'évolution au travail
- Les animaux, experts en communication
- Les hommes, le langage et la poule aux oeufs d'or
Annexes
Index

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Delachaux et Niestlé
- Constructions animales, de Bruno Corbara et Cécile Aquisti
- Pour la science : La communication animale
- La communication chez les animaux, de Jan Zdarek
- Les pouvoirs secrets des animaux, de Karl Shuker
- Perception et communication chez les animaux, de Stéphane Tanzarella
- Constructions animales, de Bruno Corbara et Cécile Aquisti
- Les langages secrets de la nature, de Jean-Marie Pelt
- Le langage secret des animaux, de Vitus B. Dröscher
- Les bêtes aussi ont leurs langages, de Fernand Méry
- Les sociétés animales, de Jacques Goldberg

Les animaux ont le sens du contact
un article de Denis Sergent

Visuels, acoustiques, tactiles, chimiques : seuls ou associés, ces signaux permettent aux animaux de se transmettre des informations

Un cri strident rompt soudain le silence de la forêt. Ou plutôt le brouhaha habituel. Car, même si on les distingue difficilement du fait de la luxuriance de cette forêt tropicale humide de Côte d'Ivoire, il y a une quantité d'animaux qui vivent ici et qui correspondent entre eux. Du moins entre individus du même clan ou de la même espèce. C'est un singe Diana, une espèce arboricole de la forêt, qui vient de pousser ce cri. Une vocalisation très particulière, un cri d'alerte en réalité.

Aussitôt, dans les arbres et lianes voisins, tous les singes se précipitent au sol : c'est ainsi qu'ils se protègent de l'attaque d'un de leurs prédateurs, l'aigle couronné. Une fois l'alerte passée et l'attaquant éloigné, les singes remontent dans leurs arbres. Mais le plus étonnant, c'est qu'au moment de l'alerte, d'autres animaux se sont également échappés, en criant eux aussi. C'étaient des calaos, ces oiseaux très colorés à long bec, qui vivent dans les mêmes arbres que les primates.

Que s'est-il passé ? Les oiseaux, a priori "sourds" aux cris des singes, ont en réalité très bien compris qu'il s'agissait de l'arrivée d'un aigle, un animal qui, pour eux aussi, est un prédateur. Conclusion : les calaos, voisins habituels des singes Diana, "savent" interpréter les cris de détresse de ceux-ci et profitent ainsi de leur vigilance pour survivre.

Jusqu'à maintenant, les biologistes étaient persuadés qu'un signal sonore ne peut être interprété que par un congénère du même groupe social ou en tout cas de la même espèce. Or cette observation sur le terrain montre, pour la première fois, qu'il n'en est rien.

Cette découverte toute récente est le fruit du travail de trois biologistes de l'université écossaise de Saint Andrews. L'histoire est encore plus belle quand on apprend que les calaos, qui ne sont pas menacés par les léopards, contrairement aux singes, restent totalement impassibles quand ces derniers poussent le cri d'alerte spécifique aux léopards.

Seconde conclusion : les calaos savent distinguer les différents cris d'alarme des singes et, en cas de survenue d'un léopard, ne crient surtout pas, de façon à éviter de signaler leur présence à d'autres prédateurs.

Cocktail chimique

Bien entendu, en plus de l'observation sur le terrain, les chercheurs, des éco-éthologistes et bio-acousticiens spécialistes de communication animale, ont vérifié à l'aide d'enregistrements sonores que les calaos étaient capables de distinguer entre les cris et adoptaient un comportement différent. Les deux espèces reconnaissent et différencient leurs cris respectifs, car elles cohabitent depuis longtemps, expliquent les chercheurs, qui espèrent maintenant pouvoir mettre en évidence les mêmes facultés chez d'autres espèces.

Cette communication sonore entre individus, et surtout entre espèces, est-elle pour autant un "langage" ? La question est toujours en suspens, mais pour la plupart des biologistes, ce n'en est pas un, même si ces animaux présentent des capacités cognitives, des facultés d'apprentissage notamment, assez exceptionnelles.

Il n'en reste pas moins qu'on a affaire là à un mode de communication sophistiqué. "Les moyens de communication mis en oeuvre dans le monde animal sont très nombreux. Certains nous sont très familiers puisque nous les utilisons aussi. C'est le cas de la communication visuelle ou sonore", explique Bruno Corbara, professeur de biologie à l'université de Clermont-Ferrand.

D'autres sont plus subtils. A commencer par la communication chimique aux moyens de molécules odorantes dont les phéromones qui, des bactéries aux mammifères - homme compris - en passant par les insectes sociaux (fourmis, abeilles), assure une fonction de reconnaissance maternelle, de régulation sexuelle ou de hiérarchisation sociale. Produites par des glandes spécialisées puis déposées ou émises dans l'air, ces phéromones peuvent avoir une signification particulière comme un signal d'alerte ou une action physiologique (blocage de l'activité génitale du receveur, par exemple). Plus subtiles encore, ces phéromones étant en fait le plus souvent un cocktail chimique, elles peuvent revêtir une signification qui varie en fonction du dosage de ses ingrédients.

Coordonner la vie sociale

La coloration des papillons, des mollusques et poissons tropicaux ou des oiseaux jouent également un rôle fondamental dans l'attraction sexuelle ou la défense contre le prédateur. De même, les sons émis par les insectes, les passereaux ou les baleines assurent-ils la défense du territoire ou le maintien de la cohésion du groupe.

Bien entendu, ces signaux peuvent s'associer dans des comportements extraordinaires, tels que les parades nuptiales de l'oiseau-jardinier de Nouvelle-Guinée qui construit une cabane avec des éléments bleus récupérés dans la nature pour séduire sa belle, ou le comportement d'intimidation du dauphin associant hochement de tête, claquement de mâchoires et émissions d'intenses rafales de clics.

Fascinante en soi, cette combinaison de signaux et de comportements est alors souvent plus complexe à analyser pour l'éthologiste qui doit à la fois observer en milieu naturel en intervenant le moins possible, modéliser sur ordinateur, voire expérimenter avec des animaux semblables en laboratoire, en contrôlant les facteurs ambiants et physiologiques.

Parmi cette palette de signaux, les avantages et les inconvénients des uns et des autres en termes d'efficacité sont assez bien répartis. Ainsi, par exemple, les signaux chimiques du type phéromones, sortes de "mémoires" très utilisées par les insectes (fourmis, abeilles) et les rongeurs (souris, rat), ont-ils l'immense avantage, du fait de leur rémanence, de pouvoir être envoyés et déposés dans un territoire donné à l'intention d'un congénère même pendant son absence : ce sont les SMS de la communication animale en quelque sorte.

De même, les signaux optiques sollicitant la vision sont-ils temporaires, mais très souples. Quant aux signaux acoustiques, éphémères et économes en énergie, ils peuvent être perçus à très longue distance (baleine) et dans l'obscurité (chouette). Outre les signaux tactiles utilisés par beaucoup d'espèces, existent enfin des signaux électriques dont font usage les poissons vivant dans les eaux boueuses.

Sans vouloir faire preuve de trop de déterminisme, "le but de la communication est évidemment de coordonner la vie sociale, explique Pierre Jouventin, éco-éthologiste au Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (du CNRS) à Montpellier. Il n'est donc pas étonnant que l'on trouve les systèmes de communication les plus riches dans les sociétés animales les plus complexes et pas nécessairement, comme on le pense souvent, chez les animaux possédant le cerveau le plus développé : ainsi, une abeille possède-t-elle un système de signaux plus sophistiqué que certains mammifères dits solitaires", poursuit le spécialiste des oiseaux.

Denis SERGENT

A lire : La communication animale, Pour la science, hors-série, janvier 2002

Le B.A. BA de la communication

Selon la théorie de l'information, toute communication fait intervenir un émetteur et un récepteur. Son message est inclus dans le signal (molécule chimique, chant, cri, clic, vibration) qui est codé par l'émetteur, transmis par un milieu physique (air, eau, sol) en présence d'autres signaux, puis décodé par le récepteur. Outre des organes émetteurs et récepteurs, cette opération sous-entend l'adoption de règles communes.

"Il s'agit donc d'un système supposant une réciprocité, l'émetteur attendant un bénéfice de la réponse du récepteur", explique Pierre Jouventin, éco-éthologiste au Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CNRS) de Montpellier. Bien souvent, l'émetteur se place dans les conditions optimales, de façon que le récepteur le reçoive au mieux. C'est le cas de l'oiseau qui choisit sa branche ou de la baleine qui nage dans la couche d'eau susceptible de transmettre ses clics à des milliers de kilomètres. Enfin, l'environnement et la nature du récepteur (sexe, état hormonal) sont déterminants car ils conditionnent le sens du message.

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