21 février 2011

Les animaux sont-ils bêtes ? d'Alain Leygonie

Les animaux sont-ils bêtes ?
d'Alain Leygonie


Il y a un mystère animal dont le moindre mérite n'est pas de résister à la pensée : s'agissant de la question animale, le propos des philosophes, aussi grands soient-ils, est en général affligeant. Devant la bête silencieuse, profonde, énigmatique, le discours philosophique (et même scientifique), enlisé dans l'humain, se déprécie et se mord la queue : on croit parler de l'animal, c'est encore et toujours de l'homme qu'il s'agit. Chassez l'humain, il revient au galop...

Rétablir l'animal dans sa dignité ontologique, s'étonner du mépris dans lequel il est tenu au nom de l'Intelligence, dénoncer la bêtise des opinions communes engraissées à la Raison, chasser la honte des origines, telle est l'ambition de cet essai qui combine la réflexion, l'anecdote et le récit métaphorique, pour tenter de rompre le douloureux "silence des bêtes".

Les animaux sont-ils bêtes ?, Alain Leygonie, Editions Klincksieck, 2011, 150 pages

A propos de l'auteur

Né en Corrèze, élevé dans le Lot, Alain Leygonie a fait ses humanités à Brive et ses études supérieures à Toulouse où il a enseigné la philosophie. Il est l'auteur de romans ou de récits, de nouvelles et de biographies.

Le sommaire

- Le buisson
- Bamako
- L'éléphant
- La Comtesse et les cochons
- Raoul Lopez
- La douleur
- Les animaux de la ferme
- La grenouille
- Taïaut
- Compagnons de misère
- Barbare
- Mythes
- Bataille
- Crépuscule d'un roi
- L'âne
- Traces
- Médecin des bêtes
- Petit bestiaire des idées reçues
- Le Rat est grand

Pour en savoir plus

- Le site d'Alain Leygonie
- Cet avis de lecteur
- Ces belles intelligences, de Maddalena Bearzi et Craig Stanford
- Les rubriques Intelligence et Relation homme - animal

L'avis de Catherine Vincent, du site Le Monde

"Les animaux sont-ils bêtes ?", d'Alain Leygonie : Descartes et la grenouille

Vivant à la campagne, Alain Leygonie captura un beau jour une grenouille. Il la mit dans un bocal, nourrit la bête de mouches et l'observa. Débarquant dans son bureau, ses amis s'étonnaient : "Qu'est-ce que c'est, c'est une grenouille ?" Lassé de la question, il prit l'habitude de répondre : "Non, c'est une princesse. J'attends avec impatience la métamorphose !" Tant et si bien, dit-il, qu'il finit par y croire.

Leygonie a aimé un perroquet, gratté le ventre d'un sanglier, apprivoisé un geai et une chouette hulotte. Dans la ferme du Quercy où il a grandi, chaque vache avait son nom et son caractère, qu'il décrit avec tendresse. Pour tenter de rompre le douloureux "silence des bêtes" - car tel est bien le but de ce court essai intitulé Les animaux sont-ils bêtes ?, qui combine d'une plume allègre l'anecdote et la réflexion -, il a aussi rencontré des hommes "qui ont vu l'homme qui a vu l'ours", suivi les traces d'un vétérinaire soigneur d'ânes, écouté les chasseurs lui conter les ruses du lièvre. Et il a relu ses classiques.

Descartes, bien sûr, inventeur de l'animal-machine. Mais aussi Aristote, Heidegger et Deleuze. Levi-Strauss, pour qui les mythes indiens d'Amérique reflètent tous la nostalgie d'un temps où hommes et animaux vivaient en paix. Et Georges Bataille, dont il fait visiblement sien cet aveu: "L'animal ouvre devant moi une profondeur qui m'attire et qui m'est familière. Cette profondeur, en un sens, je la connais, c'est la mienne."

Pauvre en monde, l'animal ? Il lui plaît de penser le contraire, voire d'inverser la tendance. "Le propre de l'homme, c'est d'être moyen en tout", écrit-il. "Pas étonnant, étant donné nos handicaps, que pour nous en sortir nous ayons dû faire appel à la technique." Invention fabuleuse et fatale, qu'il illustre par de saisissants raccourcis. Ici, les grottes de Chauvet et de Lascaux, miracle de l'art dont le principal objet est l'animal, "c'est-à-dire le monde duquel, précisément, ces hommes-là viennent de s'évader". Là, "l'horreur économique" de l'élevage industriel, massacre "organisé, mécanisé, rémunéré sous toutes les latitudes".

Entre les deux, 30 000 ans d'évolution humaine. Pour rétablir l'animal dans sa dignité ontologique, pour chasser la honte des origines, Alain Leygonie ose une prière : "Mon Dieu, délivrez-nous quelquefois de l'intelligence." La chose la mieux partagée au monde n'est pas l'esprit mais la beauté, tente-t-il de démontrer. C'est assez réussi.

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