30 décembre 2011

Liberté et inquiétude de la vie animale, de Florence Burgat

Liberté et inquiétude de la vie animale
de Florence Burgat


La question de l'animal occupe une place singulière dans la philosophie occidentale moderne. L'animal y est certes présent, mais à un titre bien particulier. Il désigne l'être privé de tous les attributs qui sont censés caractériser l'humain : l'âme, la raison, la conscience, le langage, le monde... Cette approche privative a notamment conduit à une lecture mécaniste de la vie animale. S'opposant à cette conception, les approches phénoménologiques ont ruiné les fondements philosophiques du mécanisme, mais aussi du vitalisme. C'est en effet en partant de l'animal comme "corporéité animée", et en considérant son comportement comme la manifestation de la vie en lui - d'une vie qui n'est ni l'arrière-plan ni la cause des phénomènes vitaux - qu'un tout autre regard s'est mis en place. La reconnaissance de la liberté et de l'inquiétude, du fait du mouvement spontané, de la perception et de l'émotion, distingue la vie animale de la vie végétale, et permet d'y voir l'émergence d'une condition existentielle.

Liberté et inquiétude de la vie animale, Florence Burgat, Editions Kimé, 2006, 311 pages

A propos de l'auteur

Florence Burgat, philosophe, chargée de recherche à l'INRA, consacre ses travaux à la condition animale dans les sociétés industrielles. Tout en poursuivant ses recherches sur le statut ontologique de l'animalité, elle entreprend actuellement une étude sur l'animal dans la pensée de Gandhi et les mouvements de protection des animaux en Inde, où elle a effectué une mission sur ce thème.

Au sommaire

Place et fonction du concept d'animalité
- Animal : un concept pour dire tout ce que l'humain ne doit pas être
- Animalisation de l'humain et animalisation de l'animal
- Humanisation biologique des animaux (remarques sur les xénogreffes)

Les réductionnismes d'une vie privée d'intériorité
- La douleur seulement animale : empreinte cartésienne
- De l'interrelation de l'âme et du corps au monisme matérialiste
- L'animalité ou la vie en général

La poussée de la vie
- Les premiers tremblements de la liberté
- Le calme de la vie végétale

L'inquiétude de la vie animale
- S'éprouver comme singularité dans un monde hostile : organisme animal et ipséité
- La mobilité comme signe de l'incomplétude de l'être vivant : sentir et se mouvoir dans l'espace et dans le temps
- Mondes de significations et dialectique du comportement
- L'ébranlement des structures comportementales

Voir aussi, du même auteur

- La protection de l'animal
- L'animal dans les pratiques de consommation
- Les animaux d'élevage ont-ils droit au bien-être ?
- Animal, mon prochain

Animal, mon prochain, de Florence Burgat

Animal, mon prochain
de Florence Burgat


Ce livre traite des animaux eux-mêmes et de la manière dont la grande pensée, philosophique et juridique, de l'Occident les a présentés pour mieux les escamoter. Il apparaît comme une descente au labyrinthe que constitue la pensée impensée de l'animal, mais une descente sans garde-fou. La force de ce livre dérangeant et sincère, c'est que son auteur, sans aucun esprit partisan, s'engage tout entière dans sa réflexion et qu'elle n'entend pas seulement analyser, mais aussi juger, ce en quoi elle accomplit la véritable tâche de la critique. Le cri des bêtes, la crise de la communauté, les crimes contre l'humanité... A lire Florence Burgat on s'apercevra que s'exprime, ici et là, une détresse unique, un seul malentendu. Elle nous fait découvrir combien des moyens de projection et d'abjection ont été et sont encore mis en oeuvre par les philosophes, par les prêtres, par les politiques, par les garants de la tradition comme par les défenseurs du progrès pour supprimer cet animal, d'autant plus présent dans l'homme que celui-ci veut faire l'ange.

Animal, mon prochain, Florence Burgat, Editions Odile Jacob, 1997, 254 pages

A propos de l'auteur

Florence Burgat, philosophe, chargée de recherche à l'INRA, consacre ses travaux à la condition animale dans les sociétés industrielles. Tout en poursuivant ses recherches sur le statut ontologique de l'animalité, elle entreprend actuellement une étude sur l'animal dans la pensée de Gandhi et les mouvements de protection des animaux en Inde, où elle a effectué une mission sur ce thème.

Au sommaire

- Droit naturel et nature de l'homme
- L'animal raisonnable ou l'impasse d'une définition
- L'animal impensable ? L'animalité, envers de la nature
- La pitié

Voir aussi, du même auteur

- Liberté et inquiétude de la vie animale
- La protection de l'animal
- L'animal dans les pratiques de consommation
- Les animaux d'élevage ont-ils droit au bien-être ?

28 décembre 2011

La fin des bêtes, de Catherine Rémy

La fin des bêtes
Une ethnographie de la mise à mort des animaux

de Catherine Rémy


Il y a aujourd'hui une "question animale". mais que recouvre cette question ? Les contours du débat ne sont pas faciles à tracer. C'est parfois l'impact social des recherches en éthologie et en physio-biologie qui est évoqué : par exemple, la capacité inattendue des poissons à ressentir la douleur va-t-elle aboutir à un affrontement entre pécheurs et militants des animaux ? Dans d'autres cas, ce sont les "combattants externes du front de libération des animaux" qui font l'objet d'une réflexion inquiète : que faire face à cette "extraordinaire religion fondamentaliste" ? Dans d'autres cas encore. la question animale se traduit par un débat sur le statut des animaux. L'animal, être "sensible, affectueux et craintif qui ne demande qu'à vivre", ne doit-il pas faire l'objet de notre "compassion" ? L'animal de compagnie est ainsi présenté par certains comme un "candidat à l'humanité", phénomène jugé, par d'autres, étonnant sinon grotesque. En dépit de cette diversité des modes d'entrée dans la question animale, des thèmes récurrents la façonnent. Une fascination pour le brouillage des frontières entre l'humain et le non-humain. La disparition de cette frontière est tantôt considérée comme un fait, tantôt comme un enjeu. Bref, elle est bien le moteur du débat.

Le sociologue doit quant à lui se donner pour tâche de proposer un "calme examen" de ce fait de société. Un tel objectif nécessite une prise au sérieux du quotidien. de l'ordinaire, en plaçant la situation au coeur de l'enquête sociologique, à savoir un espace temps délimité, produit et vécu par des individus. En s'intéressant à des situations routinisées de mise à mort d'animaux, l'objectif de cet ouvrage est précisément d'éclaircir la manière dont la frontière se trouve posée en pratique, au cours du travail quotidien d'hommes et de femmes.

La fin des bêtes, Une ethnographie de la mise à mort des animaux, Catherine Rémy, Editions Economica, 2009, 224 pages

A propos de l'auteur

Catherine Rémy est chargée de recherche au CNRS et membre du Centre de sociologie de l'innovation de l'Ecole des mines de Paris. Ses travaux portent sur les relations entre l'homme et l'animal et les controverses qui accompagnent l'émergence des bio-technologies.

Au sommaire

- Introduction : La mise à mort des animaux: une question sociologique ?
- La présence des animaux
- L’abattoir, une mise à mort industrielle humaine ?
- La médecine vétérinaire, entre soin et gestion
- Les animaux de laboratoire, substituts de l’homme
- Trois situations
- Conclusion : L’accomplissement pratique de la frontière entre l’homme et les animaux
- Bibliographie

Pour en savoir plus

- Ce lien qui permet de rechercher des termes à l'intérieur du livre
- Le centre de documentation de la LFDA pour d'autres livres sur le thème des animaux

L'avis d'un lecteur
Source

Une chercheuse engagée

Un livre engagé qui privilégie la réflexion sur la passion. Une ethnographie exemplaire, d'une lecture très agréable, qui sait trouver la bonne distance pour traiter d'une question brûlante. Catherine Rémy montre par cet ouvrage ce qui différencie le travail de fond du chercheur du simple point de vue journalistique. Un livre indispensable pour comprendre les enjeux actuels de la question animale. A lire de toute urgence !


Oeuvre d'une sociologue, le livre de Catherine Rémy prend comme exemple la mise à mort pour sonder la manière dont est perçue la frontière entre l'homme et l'animal : « Pourquoi choisir les situations de mise à mort ? Notre hypothèse est que cette activité produit un “effet loupe” sur la question de la frontière » (p.3). On pourrait dire, de manière certes un peu caricaturale, que cet ouvrage vise à la rigueur scientifique et se maintient dans les limites de la raison et de la logique, Catherine Rémy explore trois lieux où se rencontre la fin des bêtes : l'abattoir tout d'abord, évidemment, ce lieu où s'opère « la réduction des animaux à de la matière insérable dans une chaîne de production » (p.24), la médecine vétérinaire d'autre part, « entre soin et gestion » (p.79) et finalement aussi les « animaux de laboratoire, substituts de l'homme » (p.133). A chaque étape d'un raisonnement particulièrement bien argumenté et fondé sur une multitude d'exemples concrets, l'auteure s'interroge, dans ces trois situations, sur la perception de la frontière entre animalité et humanité. Pour l'abattage, les constatations de l'auteure l'amène à déplorer la rupture du « contrat domestique » de l'abattage traditionnel, pour lequel les animaux, lors de leur mise à mort, n'étaient pas des choses. L'abattage industriel moderne, en rompant la nécessaire proximité entre animaux abattus et acteurs humains, aboutit à ce que « les abatteurs ne mobilisent pas une subjectivation positive des animaux impliquant un traitement respectueux » (p.77) : « Un traitement respectueux des animaux ne peut s'imposer que si une proximité physique et affective est maintenue » (p.78). Pour les vétérinaires, la situation est souvent très ambiguë et leur comportement est souvent guidé par cette tendance de l'être humain à s'immuniser « en permanence contre l'idée qu'il pourrait n'être que le produit de déterminismes renvoyant à des lois de la nature » (p.132). « Les vétérinaires contemporains, comme leurs prédécesseurs, font des intérêts humains une priorité afin de défendre la légitimité de leur profession » (p.130). En ce qui concerne les animaux de laboratoire, l'auteure oppose, dans le comportement des acteurs de l'expérimentation, deux attitudes philosophiques clairement différentes : celle pour laquelle l'animal ne mérite aucune considération éthique « au nom de progrès scientifique » (p.134) et celle qui « passe par un traitement moral des cobayes » (p.132). A l'appui de cette dernière position, elle cite d'ailleurs les travaux de Suzanne Antoine. Dans la pratique et après l'analyse de ce qui se passe, de fait, dans un laboratoire qui effectue ce que l'auteur appelle, selon l'expression de Claude Bernard, la « vivisection », mais que la pratique moderne qualifie plutôt d'« expérimentation animale », l'auteure remarque une certaine proximité affective entre l'expérimentateur et sa « victime » et un effort de distanciation comparable à celui des vétérinaires, parfois fondé sur des remarques d'humour noir : « Les acteurs discutent de l'animal et de son traitement, mais ces discours sont sans cesse contrebalancés par la plaisanterie, l'ironie » (p.177). Le constat effectué par Catherine Rémy au terme de son enquête ethnographique est finalement lourd : « la violence est inhérente à l'acte de mise à mort » (p.193). Les règlements visent alors à l'« adoucir » en une « violence passive » par des pratiques d'euthanasie. Mais, remarque l'auteure, « cette violence passive devient fréquemment active lorsque la mise à mort se passe mal » (p.194). Alors « certains individus sont en quelque sorte invités… à exprimer une violence active » (p.194). Ce partage des rôles estompe en somme la responsabilité de chacun : l'un ne tue pas, l'autre le fait parce qu'il est mandaté pour le faire. Quant à la relation avec la question de fond sur la frontière entre l'homme et l'animal, « le traitement respectueux des animaux passe… par la perception de ceux-ci comme des créatures semblables » (p.199). Nous ne sommes pas très loin de la notion d'animal-être sensible, même si l'auteure n'utilise pas ici le terme. Dès lors et de manières variées, « pour que la mise à mort soit possible » (p.200), elle doit « impliquer une dégradation de la créature semblable » (p.200), une dégradation qui permet de « bien faire la différence entre l'homme et les animaux » (p.202). Une attitude de dégradation bien classique de l'esprit humain, qui peut aussi toucher les hommes (dégradés) eux-mêmes, et qu'on retrouve dans la guerre (l'ennemi y est un mauvais), dans l'oppression (l'esclave ou la prostituée y sont dévalués en sous-humains) comme dans la course de taureaux (face à l'homme dans son habit de lumière, le taureau y est figure symbolique du côté sombre).

26 décembre 2011

Qui sont les animaux ? Sous la direction de Jean Birnbaum

Qui sont les animaux ?
Sous la direction de Jean Birnbaum

La pensée occidentale a longtemps défini l'animal par ce qui lui manque : la raison, la pudeur, le rire... Aujourd'hui, notre imaginaire reste dominé par la conception cartésienne de "l'animal-machine", incapable d'accéder au langage, dépourvu de subjectivité, donc privé de tout droit. Or l'actualité vient régulièrement nous rappeler l'étrange proximité qui nous lie aux animaux : crise de la "vache folle", grippes "aviaire" ou "porcine"... Surtout, les avancées de la recherche remettent en question la frontière entre l'Homme et l'Animal. Ainsi, les travaux des paléoanthropologues ou des éthologues soumettent la foi humaniste dans le "propre de l'Homme" à rude épreuve. Mais, alors, comment relativiser l'exception humaine sans sombrer dans la confusion entre tous les vivants ? Comment l'Homme peut-il prendre ses responsabilités envers l'Animal, voire reconnaître avec lui une communauté de destin, sans se comporter lui-même comme une bête ?

Qui sont les animaux ? Sous la direction de Jean Birnbaum, Editions Gallimard, 2010, 261 pages

Au sommaire

- Présentation : Jean Birnbaum
- Avant-propos : Frédéric Boyer
- Introduction : Elisabeth de Fontenay
- L'homme, point culminant de l'évolution ? / Pascal Picq
- Des animaux-machines aux machines animales / Catherine Larrère
- Des intelligences contagieuses / Vinciane Despret
- Les maladies animales révèlent une solidarité vitale / Frédéric Keck
- A quoi la question "Qui sont les animaux ?" engage-t-elle ? / Florence Burgat
- Déverrouiller le débat juridique / Jean-Pierre Marguénaud
- A chacun ses animaux / Philippe Descola
- Libérer les animaux ? Un slogan immoral et absurde / Francis Wolff
- L'historien face à l'animal : l'exemple du Moyen Age / Michel Pastoureau
- Vercors : la rébellion comme spécificité humaine / Nathalie Gibert-Joly
- Figures du monstrueux. Entre l'humain et l'inhumain / Stéphane Legrand
- Iconographie

L'avis d'un lecteur
Source

"Qui", et pas "quoi"...

Le titre de l'ouvrage est éloquent... Les animaux seraient-ils des personnes ? C'est à envisager le plus sérieusement possible. Les auteurs qui ont participé à cet ouvrage collectif ont apporté, peu ou prou, des arguments à cette hypothèse. Tous ont considéré l'animal sous l'angle qu'ils connaissent le mieux, il en ressort des articles très divers dans leur approche, mais passionnants de toute façon. Cet ouvrage, publié dans une édition de poche, est largement accessible à tous ceux qui s'intéressent à la condition animale et en font un thème de réflexion privilégié. A lire absolument. Et à garder précieusement.

Pour en savoir plus

- La protection de l'animal, de Florence Burgat
- L'animal dans les pratiques de consommation, de Florence Burgat
- Les animaux d'élevage ont-ils droit au bien-être ? de Florence Burgat
- Le singe est-il le frère de l'homme ? de Pascal Picq
- Hans, le cheval qui savait compter, de Vinciane Despret
- Les animaux célèbres, de Michel Pastoureau
- Anthologie d'éthique animale, de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

22 décembre 2011

Horizon de lumière, du Père Jean Martin

Horizon de lumière
Réflexions sur la souffrance
humaine et animale

du Père Jean Martin

Ce livre écrit par le Père Jean Martin constitue une réflexion profonde, lucide et néanmoins remplie d'espoirs, sur le problème de la souffrance au sein de la création. Souffrance humaine bien sûr, mais aussi souffrance animale et universelle.

L'auteur, grand ami des bêtes, traite, avec sensibilité et en s'appuyant sur une vaste documentation, des subtiles relations qui unissent les animaux domestiques et leurs maîtres, notamment par le biais des phénomènes psychiques. Il dédie d'ailleurs ce livre à ses "amis à quatre pattes" qui accompagnent son pèlerinage sur cette terre.

Au long de ces 210 pages pleines de poésie, Jean Martin développe avec beaucoup d'amour - et de nombreux exemples - sa foi en la survie de l'âme, non seulement des hommes, mais aussi des animaux. Bien plus qu'un livre traitant du paranormal, il s'agit là d'un ouvrage de foi dans lequel l'auteur dit clairement sa conviction profonde que le Dieu de bonté a fait toute créature, non pour une vie éphémère, mais pour une vie éternelle.

Horizon de lumière, Jean Martin, Editions JMG, 2002, 210 pages

A propos de l'auteur

L'abbé Jean Martin est belge. Né en 1936, il est ordonné prêtre en 1961. Docteur en philosophie de l'université de Louvain, prêtre de paroisse puis professeur de séminaire, il est l'auteur de plusieurs livres sur l'Au-delà et il s'occupe aussi d'accompagnement auprès des personnes dans le deuil.

Le sommaire

Liminaire
Introduction
1. Il y a un autre monde
2. Une terre douloureuse et dramatique
3. L'âme des animaux
4. Veilleur, où est la nuit ?
Epilogue
Table des auteurs cités

Pour en savoir plus

- Le site des Editions JMG
Des livres du même auteur
- Le prêtre, la médium et le chien (avec un entretien vidéo)
- Nul n'est une île
- A l'écoute du monde animal
- Des signes par milliers
Des articles
- Les animaux et l'au-delà (1)
- Les animaux et l'au-delà (2)
- Les animaux et l'au-delà (3)

Quelques extraits choisis

Les premières lignes du Liminaire

p11 Je dédie ce livre à tous mes amis à quatres pattes qui ont accompagné mon "pélerinage" sur cette terre et qui m'ont donné beaucoup d'amour. Je le dédie aussi à tous les animaux qui n'ont pas la chance d'avoir un "maître" qui les aime ; à ceux qui meurent dans la solitude des refuges ; à ceux qu'on emmène de force vers les abattoirs ; à ceux qu'on martyrise dans les laboratoires. Je le dédie à tous mes frères humains qui n'ont pas encore compris, comme le chante si joliment Yves Duteil que : "Les hommes et les dauphins nés du même soleil étaient frères de race." ../..

Deux extraits du chapitre L'âme des animaux

p106 ../.. Une autre personne m'écrit encore : "Je voudrais vous rapporter le cas de deux chattes vivant sous mon toit, voici 20 ans, qui n'a fait que conforter mes idées de vie après la mort, également chez les animaux. Je possédais une petite chatte noire appelée Pussy. Un jour, mon mari rapporte un chaton en piteux état. Nous l'avons adopté, soigné et appelé Nini. Nini a grandi auprès de Pussy sans jamais vraiment s'accepter l'une et l'autre : elles s'ignoraient presque ! Nini dormait sur son tabouret dans la cuisine ; Pussy sur le lit. Elles avaient choisi leur petit coin mais jamais l'une ne se permettait ni même ne se hasardait à dormir sur la litière de l'autre. A 9 ans, notre Nini est morte, mal soignée par le vétérinaire, d'une crise d'urémie. Le soir même, le tabouret de Nini, libre, a tenté Pussy ! Tard dans la soirée, Pussy s'est donc installée à la place de Nini... Nous allons dormir et me voilà aussitôt réveillée par un cri affreux de détresse. Je me lève en catastrophe pour voir Pussy descendre du tabouret de Nini ! Elle n'y est plus jamais retournée. Je conte souvent cette anecdote qui me fait frémir d'espoir. Troublant, ne pensez-vous pas ? Je serais tentée de penser que nos petits animaux ont également une âme qui plane au-dessus de leur corps, après leur mort". ../..

p126-p127 ../.. Il est des animaux qui manifestent plus explicitement que certains hommes l'amour de Dieu dans sa dimension de fidélité et de patience, bref ce qu'on appelle aujourd'hui l'amour "inconditionnel".
Je rejoins en ce sens ma correspondante quand elle écrit : "Il suffit d'être à l'écoute... avec son coeur et laisser quelque peu sa raison de côté. Peut-être nos animaux aimés sont-ils envoyés près de nous, pauvres humains aveugles et égoïstes, pour nous apprendre cet amour que nous avons tant de mal à pratiquer ? Peut-être sont-ils des intermédiaires entre les plans supérieurs et nous ? Alors que nous pensons qu'ils appartiennent à un plan inférieur ! Mon chien m'a tant fait comprendre de choses de son vivant et à présent par sa mort, que cette pensée ne me semble pas absurde."
Il m'apparaît certain en tout cas qu'il existe une infinité d'émergences de la conscience dans un corps.

Tout au long de ces pages, j'ai dit ma conviction profonde quant à l'existence de l'âme animale, "principe immatériel et subtil se séparant du corps à l'heure de la mort" selon l'expression de Jean Prieur. Je me démarque cependant de M. Prieur quand il n'englobe sous le terme "d'animal" que les "vertébrés supérieurs". Certes je ne nie pas qu'il puisse y avoir chez certains animaux ce qu'il appelle une "âme-groupe" plutôt qu'une âme individuelle mais je ne pense pas qu'il faille opérer tant de distinguos. Ce qui a été appelé à la vie dans le monde matériel demeure vivant dans le monde de l'esprit.
La simple mouche de St Thomas d'Aquin a peut-être beaucoup de choses à nous apprendre à ce sujet ! ../..

20 décembre 2011

Histoire surnaturelle des animaux, de Jean Prieur

Histoire surnaturelle des animaux
de Jean Prieur
en collaboration avec Marie Turquois

L'âme des femmes, l'âme des Indiens, l'âme des Noirs ont fait longtemps problème pour les chrétiens. Après bien des controverses, les trois premiers cas ont été, Dieu merci, résolus par l'affirmative. Toutefois, on continue de s'interroger sur l'âme des animaux. Jean Prieur, qui a étendu ses recherches psychiques à cette question, est en mesure de répondre : oui, les animaux ont une âme individuelle, une âme où dominent les sentiments, une âme qui entre en communication avec celle des humains, et qui, comme elle, survit et se manifeste parfois après la mort, une âme dont l'existence a été reconnue par le christianisme des premiers siècles et par toutes les civilisations - sauf la nôtre. Tel est le plan de ce livre, écrit en collaboration avec Marie Turquois, fourmillant de faits tantôt bouleversants, tantôt divertissants, mais toujours authentiques. Jean Prieur sait dépasser l'anecdote pour tirer de cette réalité méconnue une morale, une philosophie et même une théologie attentives à la vie qui nous entoure, qu'elle soit humaine, animale ou même végétale, car, en ce domaine, tout se tient.

Histoire surnaturelle des animaux, Jean Prieur, en collaboration avec Marie Turquois, Editions JMG, 2005, 380 pages

A propos de l'auteur

Jean Prieur est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à l'histoire de la spiritualité et au mysticisme. Il collabore régulièrement à la revue Parasciences et transcommunication.

Pour en savoir plus

- Le site des Editions JMG
- Le blog officiel de Jean Prieur
- L'avis de Notre Dame de toute pitié, association catholique pour le respect de la création animale
- Des interviews de Jean Prieur par Yann-Erick
Du même auteur
- L'âme des animaux
- Les morts ont donné signes de vie

18 décembre 2011

Pourquoi ? de Brigitte Bardot

Pourquoi ?
de Brigitte Bardot


Pourquoi ai-je décidé, en 1973, sans appel, de quitter mon statut unique de "star internationale" à l'âge de 38 ans ?

Pourquoi ai-je ainsi renoncé, du jour au lendemain, à toutes les sommes fabuleuses que l'on me proposait encore pour montrer mes fesses ou juste le bout de mon nez à l'écran ?

Pourquoi me suis-je séparée, dépouillée de mes biens les plus précieux en les vendant aux enchères en 1987, au profit de ma Fondation, y compris ma célèbre maison "La Madrague" ?

Pourquoi, alors que je représentais un "phénomène" qui fut analysé par Simone de Beauvoir, François Nourissier, Sagan, Cocteau, Duras et tant d'autres..., ai-je préféré, en pleine gloire, me mettre totalement au service de la protection animale ?

Pourquoi depuis 33 ans, le seul but de ma vie est devenu l'obsession quotidienne d'apporter une évolution dans la désastreuse condition des animaux ?

Pourquoi suis-je systématiquement traînée devant les tribunaux français lorsque je me révolte contre les terribles sacrifices de moutons lors de l'Aïd-el-Kébir ?

Pourquoi suis-je boycottée par la presse française à chaque fois que je dénonce un problème grave alors qu'à l'étranger, je suis reconnue, encouragée, célébrée et récompensée pour mon action en faveur des animaux ?

Pourquoi, depuis 20 ans cette année, ma Fondation est-elle la seule fierté de ma vie ?

Tant de questions parmi d'autres encore, qui trouvent leurs réponses dans tous ces états d'âme que je décris au fil des pages, presque au jour le jour, avec la seule vérité de mon coeur. Ce sont plus de vingt années de combats, de détresse, d'espoirs, d'appels à l'aide. Ces hymnes à la vie et au respect sont autant de preuves irréfutables de mon indéfectible amour pour "Eux" !

Pourquoi ?, Brigitte Bardot, Editions du Rocher, 2006, 298 pages

A propos de l'auteur

Brigitte Bardot, née Brigitte Anne-Marie Bardot le 28 septembre 1934 à Paris, est une actrice de cinéma et chanteuse française, une militante de la cause animale, ainsi que la fondatrice et présidente de la fondation qui porte son nom. Figure féminine des années 1950 et 1960, elle fut une star mondiale, l'égérie et la muse des plus grands artistes de l'époque. Elle mit un terme à sa carrière d'actrice en 1973 pour se consacrer à la défense des animaux.

Pour en savoir plus

- Le site de la Fondation Brigitte Bardot
- Et Dieu créa les animaux, préfacé par Brigitte Bardot
- Des animaux et des femmes, d'Allain Bougrain-Dubourg

L'avis de Jean-Louis Grosmaire
Son site

" L'amour à l'état pur
La fidélité à la vie à la mort
Voilà ce qui me lie à eux "

Brigitte Bardot

Voilà ce qu'écrit, au sujet des animaux, madame Brigitte Bardot dans son ouvrage Pourquoi ? (Editions du Rocher 2006)

La lecture de ce livre vous permettra de comprendre l'engagement absolu de la Française la plus célèbre dans le monde, pour les animaux.

Des documents irréfutables et des photographies bouleversantes vous montreront que beaucoup d'animaux vivent en enfer.

Notez que madame Bardot verse l'intégralité des droits d'auteur de cet ouvrage à la Fondation Brigitte Bardot présente et agissante dans de nombreux pays.

Souhaitons que les responsables politiques lisent cet ouvrage et réagissent devant les atrocités que dénonce depuis des années madame Bardot.

Merci Madame Bardot.

JLG

L'avis de Léna, lectrice
Source

Un hymne au respect et à la vie

Ce livre, je l'ai lu en deux jours. J'ai tourné les pages aussi vite que l'on peut avaler une myrtille ou une mirabelle. Et en lisant chaque page, je ressentais à la fois la force, l'intensité et l'authenticité ainsi que la tendresse, la générosité et l'Amour que Brigitte Bardot avait mis dans chacun des mots qui constituent les phrases et les paragraphes de ce livre si poignant que mon coeur en fut déchiré. Et à chaque page tournée, je ne pouvais m'empêcher de me dire en moi-même "que cette femme est merveilleuse !".

Dans ce livre, Brigitte Bardot nous révèle avec véracité ce que les humains infligent au quotidien comme horreurs et ignominies à des êtres vivants, faibles, sans défense et non défendus pendant que ces mêmes humains s'enrichissent aux dépens de ces pauvres êtres, tandis que d'autres tout aussi égoïstes ferment les yeux, tournent la tête ou changent leur regard de direction, alors que d'autres encore mettent tout ce qu'ils ont en leur possession et en leur pouvoir pour les sauver, les défendre et les protéger. Et ceux-là, c'est Brigitte Bardot qui se trouve aux côtés des martyrs, au centre de ces infamies, de ces souffrances, de ce sang provenant d'êtres totalement innocents que tant d'humains ne voient pas.

Alors, plutôt que de rejoindre les cruels, les vils et les cupides, rapprochons-nous des généreux, des respectueux, des amoureux... des amoureux de la vie, de toutes les vies qui existent et qui partagent avec nous cette planète.

Ce livre est un hymne au respect et à la vie.

12 décembre 2011

Mon arche de Noé, d'Eve Marill

Mon arche de Noé
d'Eve Marill


Dans cet hommage rendu à ses animaux, sa deuxième famille, Eve Marill nous propose de retracer avec elle la vie de ses sémillants partenaires d'un autre genre. Canidés, félins et équidés, tous réunis sous la même bannière de l'amitié entre hommes et bêtes. "Mon arche de Noé" rappelle à quel point la domestication des animaux contribue à faire de l'homme un animal plus humain et de l'animal le plus fidèle des compagnons de route. Quel plaisir que de rencontrer Pénélope, Ulysse et Piero. Du chien au cheval, l'animal domestiqué est davantage qu'une conquête humaine. Retrouvez avec Eve Marill et "Mon arche de Noé" le bonheur partagé d'aimer les animaux.

Mon arche de Noé, Eve Marill, Editions Publibook, 2010, 142 pages

Un aperçu du livre est disponible sur cette page.

Au sommaire

- Remerciements
- Le chat, le loup et chien
- Prologue
- Pénélope
- Ulysse
- Kali
- Mélusine
- Pacha
- Horus
- Mirizshah
- Brahma
- Le pseudo vétérinaire
- Les hérissons
- Nemesis
- La maladie de Pacha
- La piscine
- Une vie bien agréable
- Quelques exploits
- Sekhmet et Odin
- Spud et Spilvan
- Baillard de Soulac
- Décès de Spilvan
- Spud et l'eau
- Maya
- Anecdotes annexes
- Tetsuo
- Décès de Nemesis
- Priam
- Epona IV et Piero
- Fidji
- Les chenilles processionnaires
- Ultime concours hippique pour Baillard
- Spud et sa copine Laeken
- Le radeau de la méduse
- Analyse personnelle
- Epilogue

10 décembre 2011

L'arche de Noa, de Noa Bercovitch

L'arche de Noa
de Noa Bercovitch


Des animaux qui nous aiment,
qui nous aident,
et qui parfois même nous sauvent…

Mise à jour : Ajout du sommaire et des extraits

Décembre 1984. Alors qu’elle est alitée depuis de nombreuses semaines à l’hôpital après l’accident qui lui a coûté ses deux jambes - elle a tout juste 17 ans -, Noa Bercovitch est en pleine rébellion et n’exprime que sa rage. Sa seule distraction, dans sa chambre blanche et vide, est la visite d’un rouge-gorge qui vient non pas picorer des miettes sur le rebord de la fenêtre mais simplement la regarder, elle, de derrière la vitre givrée. Et sept jours durant, il reviendra…

Bien des années plus tard, Robert Laffont, ému par la lecture de "Oline, le dauphin du miracle", propose à Noa Bercovitch de réfléchir à un sujet, pour sa collection "Aider la Vie". Un livre sur les animaux, les rapports d’amitié et d’amour qu’ils entretiennent avec l’homme et l’aide qu’ils peuvent apporter à celui-ci. Ce jour-là, le rouge-gorge est réapparu dans sa mémoire et avec ce souvenir ont coulé toutes les larmes qu’elle avait ravalées à l’époque. Une porte s’est ouverte et aussi l’envie de découvrir une autre dimension d’elle-même.

Au long de cette promenade, qui lui a fait parcourir la planète à la recherche d’histoires d’animaux, à la recherche de "notre" histoire avec les animaux, depuis l’époque où les magdaléniens les ont dessinés au fond des grottes jusqu’à aujourd’hui, Noa Bercovitch a non seulement rencontré des animaux au destin étonnant, mais elle a aussi pu faire le point sur nos connaissances et nos lacunes scientifiques. Que sait-on en effet de l’intelligence pratique ou émotionnelle de telle ou telle espèce, comment aborder, si ce n’est expliquer, tous leurs mystères ? Mais surtout, ces rencontres étonnantes nous démontrent que, entre l’animal et nous, c’est avant tout une histoire d’amour.

A travers 60 récits palpitants, un voyage aux quatre coins de la planète et au cœur de notre Histoire, pour découvrir les relations énigmatiques qui nous unissent, hommes et bêtes.

L'arche de Noa, Noa Bercovitch, Editions Pocket, 2003, 320 pages

Un mot de l'auteur
Extrait du premier chapitre

P15-P17 ../.. A la recherche de notre histoire avec l'animal - depuis l'époque où les Magdaléniens les dessinaient au fond des grottes jusqu'à nos jours - j'ai cherché à comprendre en quoi il peut aider l'homme et comment notre relation s'articule autour de cet échange, empreint d'hésitation et de fougue.
Si la science s'intéresse à présent de plus près aux comportements animaliers, elle se heurte toutefois à de fascinantes énigmes. Quelle faculté permet à des chats, des chiens, des oiseaux, des tortues entre autres, de parcourir d'incroyables distances pour revenir chez eux ? Pourquoi certains chiens peuvent-ils prévoir les crises d'épilepsie de leur maître ? Comment expliquer qu'ils puissent détecter chez les hommes des maladies graves ? Comment savent-ils, à distance, ce que les autres font ? Comment pressentent-ils les catastrophes et les accidents ? Pourquoi cherchent-ils si souvent à protéger les hommes à tout prix ? Les scientifiques se posent encore ces questions.
Animal complice, lien privilégié au monde sauvage, modèle, miroir, tuteur, protecteur, sauveur, martyr, professeur et guide... son visage tourné vers l'homme est multiple.
J'ai rencontré au cours de ce voyage des héros, des martyrs, des guerriers, des amitiés fondatrices et le grand amour. J'en rapporte des fables du quotidien et des témoignages extraordinaires : un cochon qui appelle au secours, des caribous qui jouent au toboggan sur la glace, un âne qui sauve tous les enfants d'un village, un chien qui se sacrifie pour ceux qui l'ont sauvé, des dauphins qui font battre en retraite des requins affamés, un ours qui nourrit un chaton... Vous apprendrez que les chats et les tortues sont attachés à leur propriétaire autant que les chiens qui, avec les dauphins, sont les champions des détections de maladies mortelles. Vous verrez comment les chevaux aident des handicapés, un écureuil guérit un malade, un adolescent égaré trouve son équilibre grâce à un aigle, un rescapé du ghetto de Varsovie s'est transformé en rat pour survivre et comment une autiste célèbre comprend le bétail mieux que personne...
Le peuple de l'Arche est loin d'avoir livré tous ses secrets...

A propos de l'auteur

Pascale Noa Bercovitch est née à Angers en 1967. En décembre 1984, elle perd ses deux jambes dans un accident de train. Six mois plus tard, elle passe son bac en candidat libre et part en Israël s'engager dans l'armée pour un an et demi. Elle y sera chargée d'instruire les troupes francophones et anglophones dans l'armée régulière. Elle intègre l'équipe nationale de natation et devient championne dans sa catégorie de handicap, tout en poursuivant des études d'histoire du Proche-Orient, de psychologie et d'arabe à Haïfa. Puis elle se tourne vers le journalisme de radio et de presse écrite. Durant la guerre du Golfe, elle est interprète et rencontre Hervé Chabalier et Christine Ockrent, qui lui proposent un poste à Paris. Elle exerce le métier de grand reporter pendant huit ans avant de devenir réalisatrice indépendante et de tourner de nombreux documentaires. En 1997, elle consacre un film à l'étrange amitié qui unit Oline, un dauphin femelle, à Abid'allah, un jeune Bédouin sourd-muet vivant au bord de la mer Rouge. Elle raconte ce conte de fée dans Oline, le dauphin du miracle (1999), avant d'exprimer la fascination qu'elle éprouve pour les dauphins dans Le sourire du dauphin (1999), traduit en dix langues.

Pour en savoir plus

- Du même auteur : Oline, le dauphin du miracle
- Un extrait du livre concernant le gorille Koko sur ce lien
- Un extrait du livre concernant le chat Célestin sur ce lien
- La rubrique Histoires vraies

Au sommaire

1. Le rouge-gorge
2. Le lion végétarien
Dans le coeur ou dans l'assiette
3. L'aigle complice
Ils sont devenus nos amis
4. Dans la peau d'une vache
Notre lien privilégié avec la nature
5. Face à face avec la gorille
Des êtres doués d'émotion
6.Traitement de cheval
Des médecins pas comme les autres
7. Un cochon d'ange gardien
Quand ils nous sauvent la vie
8. Le diagnostic du caniche
S'ils étaient l'avenir de l'homme
Epilogue
Remerciements
Bibliographie

Quelques extraits du livre

P29
../.. J'avais, petite fille, les mêmes réticences que celles de Lamartine sans avoir jamais mis les pieds dans un abattoir ni même aperçu les coulisses d'une boucherie, mais, comme beaucoup d'enfants, je m'identifiais si facilement à un animal - à un Justin ou à un autre - que l'obligation de finir ma part de steak saignant s'avérait impossible. Ma gourmandise s'arrêtait là où commençait la viande rouge, la plus proche de notre chair, et ma soeur se dévouait pour m'aider à finir ces maudites assiettes. Aujourd'hui encore, ce souvenir est un véritable cauchemar ! Je me revois, me demandant toujours de quel animal il s'agissait. La vue et l'odeur du sang me donnaient l'impression d'avaler ce "quelque chose" qui pouvait ressentir, bouger et crier, tout ce qui constituait l'existence même. Mon sentiment d'enfant me disait donc déjà que l'homme peut difficilement séparer les différents aspects de l'animal : bon plat et ami fidèle, frère et proie. ../..

P147
../.. Une expérience a été effectuée avec des rats, après qu'elle a donné des résultats surprenants auprès de cobayes humains, à l'université de Yale, aux Etats-Unis. Un professeur en blouse blanche demandait aux étudiants d'envoyer un choc électrique douloureux à un jeune homme attaché, pour stimuler prétendument son apprentissage. Il s'agissait, bien évidemment, d'une simulation : les décharges étaient factices et l'étudiant, bon comédien. La plupart des volontaires ont obéi à la requête de celui qui faisait autorité. Ils ne risquaient pourtant aucune sanction s'ils refusaient, et rien ne pouvait les faire douter de la réelle puissance du courant.
Les rats, par contre, ont refusé d'actionner un levier leur délivrant leur ration quotidienne de nourriture si cela devait envoyer, simultanément, un choc électrique à un congénère. Et ce, quitte à jeûner. Voilà qui expliquerait la bonne réputation du Rattus norvegicus dont on conseille la compagnie aux enfants. ../..

P152-P153
../.. On peut penser que certains animaux développent, en tout cas, un certain sens du beau. Les scientifiques qui étudient les éléphants et les dauphins, par exemple, n'ont pas manqué de remarquer leur intérêt pour la musique. Si vous jouez de la guitare ou de l'harmonica autour d'un feu de camp dans la brousse ou sur le pont d'un bateau en pleine mer, vous avez toutes les chances de ne pas rester seul très longtemps. Je l'ai expérimenté moi-même avec Oline et les dauphins du Dolphin Reef à Eilat - quitte à provoquer la stupeur de spectateurs non avertis qui m'ont prise pour une médium !
Jim Nollman, lui, l'a constaté en particulier chez les baleines et les orques. Il parcourt la planète en donnant des concerts de guitare à des singes, des loups et des dauphins ! En 1977, il décide de jouer dans une baie, pour un nouveau public insolite : des orques... Bientôt, les chants des cétacés répondent à ses accords et, à sa stupeur, en totale harmonie. Leurs phrases musicales sont structurées. Les animaux se lancent dans d'incroyables improvisations. En réponse, Nollman tente de les reproduire à son tour sur sa guitare électrique... Un véritable dialogue musical s'instaure. Le musicien n'a jamais entendu une telle créativité. Cela dure des heures et déclenche chez lui un "accès d'amour fou pour la création toute entière". ../..

P276
../.. Aussi surprenant que cela puisse paraître, nombreuses sont les tortues de jardin qui développent cette même sensibilité exacerbée envers les personnes qui leur sont proches. Il en existe qui savent pertinemment le moment où l'on va leur préparer à manger, quelles que soient l'heure et les conditions, comme les trois tortues de la danseuse de flamenco Soli Carrera, près de Madrid. Dès l'instant où leur maîtresse pense à les nourrir, et seulement à ce moment-là, les trois tortues - même si elles sont éloignées les unes des autres de plusieurs centaines de mètres - arrivent à l'endroit du repas. Elles n'approchent qu'à cet instant précis, qui diffère chaque jour. Durant les tournées de leur maîtresse, quand une voisine vient les nourrir, elles attendent par contre autour de la maison. Elles semblent ne plus rien percevoir, à croire qu'elles ne peuvent lire que dans les pensées de Soli et non dans celles des autres. ../..

P296-P297
../.. Un matin, alors que Raphaël [un jeune garçon de 17 ans, épileptique] se trouve à l'école et que Mme R. s'occupe de sa maison, Dor [un golden retriever, premier chien destiné à la détection des crises d'épilepsie en Israël], qui gambade dans le jardin, commence à montrer des signes d'impatience inhabituelle. Il se dirige sans arrêt vers le portail, gratte la poignée comme s'il attendait déjà le retour de son ami, puis entre dans la maison, aboie, tourne en rond. Mme R. ne sait que faire : son fils est à cinq kilomètres de là. Elle décide d'aller le chercher en voiture. Six heures plus tard, Raphaël a une grosse crise d'épilepsie, Dor l'avait prévue... à distance.
Tout le monde est sous le choc. Les éleveurs avaient parlé de l'odorat du chien, pas de magnétisme ou de télépathie... Personne ne sait comment Dor ressent les crises, mais l'évènement se produit régulièrement.
Raphaël ne l'enferme plus dans sa salle de classe, ni à la gym, ni chez le kinésithérapeute : il le laisse tranquillement à la maison d'où il travaille à sa façon. Le "télétravail mode canin". La thérapie à distance est-elle un miracle ? Le dresseur Uri Beckman précise que "quand l'enfant est loin, le chien ne pense à rien d'autre qu'à lui. La distance ne fait qu'accroître sa vigilance".
Le lien qui unit Dor et Raphaël est rare. Que se passe-t-il entre le jeune homme et son animal pour qu'il perçoive, de loin, l'état de santé de son maître et ce, plusieurs heures avant que lui-même ne se doute de quoi que ce soit ? ../..

P302
../.. Dor et son frère Doubi, lui-même chien d'alerte d'un autre enfant épileptique, viennent simultanément de subir une grande transformation qui pourrait nous mettre sur une piste sérieuse.
A l'âge d'un an, Dor et Doubi ont été placés en stage durant un mois chez leur entraîneur Uri Beckman, en vue d'un dressage classique censé améliorer toutes leurs performances. A l'aide d'un bâton qui envoie de faibles décharges électriques d'environ 6 volts (j'ai testé une décharge sur mon bras, elle donne une sensation de picotements désagréables, de "fourmis"), on apprend à Dor et à Doubi à obéir. Désormais, celui qui donne les ordres détient le contrôle, il devient le dominant de la famille, l'alpha.
Le résultat obtenu est contraire à celui que l'on escomptait. Après un mois au chenil, de retour à la maison, ni Dor ni Doubi ne décèlent les crises des enfants. Ils vont très bien mais semblent avoir perdu leur don, momentanément ou définitivement. De l'avis des dresseurs et des neurologues consultés, il est possible qu'ils retrouvent bientôt leurs facultés, mais rien n'est sûr.
Nous avons longuement discuté, Uri Beckman, Jan Nijboer et moi, de cette régression. Les chiens se sont trouvés désinvestis du rôle qu'ils s'étaient assigné. Ils ont perdu en quelque sorte leur sens de la responsabilité. De l'avis de Beckman, la raison principale est physiologique. Les chocs électriques, mêmes minimes, infligés aux chiens auraient "brouillé" leurs sens. Il semblerait donc que Dor et Doubi, particulièrement attachés et attentifs à leur maître, réagissent aux perturbations bioélectriques liées à leurs crises. ../..

Autre extrait
Source : Site Naguilah

Un écureuil dans mon café…


M. Arwell, ancien pilote de ligne australien, était atteint d’une forme rarissime de cancer. Il subissait régulièrement de lourdes opérations chirurgicales qui lui laissaient de terribles cicatrices et le faisaient moralement souffrir.
«Il te faut un écureuil!» lui ordonna le docteur Adamson qui n’était pas cancérologue mais vétérinaire. La veille, un client lui avait apporté, tombé d’un nid, un minuscule bébé écureuil et il était persuadé que ce petit bout de fourrure à ressort pourrait doper le moral de n’importe quel désespéré.
Kadour arriva chez les Arwell dans une boîte d’allumettes remplie de coton. Une boule de poils grosse comme une noix, à la fourrure un peu grasse, qui buvait du sérum physiologique dans un biberon de poupée! Rapidement, il a appris à se lécher et a commencé à «voler» dans toute la maison, inspectant les lieux du sol au plafond, à la vitesse de la lumière.
Arwell, lui, récupérait à vue d’œil, et les cancérologues ne comprenaient pas comment ses lésions cicatrisaient si bien malgré son âge… Arwell expliqua alors aux médecins sceptiques que ses fous-rires quotidiens, provoqués par les exercices de voltige de Kadour, devaient y être pour quelque chose.
Le matin même, Arwell lisait son journal sur sa terrasse en buvant son café; Kadour, perché comme souvent sur le haut de son crâne, inspectait les environs. Arwell a éternué et quand il a relevé le nez, des yeux effrayants le fixaient. Kadour venait de plonger tête la première dans son café et de prendre un bon «shoot» de caféine. L’animal le regardait maintenant, assis au fond de la tasse, effaré.
Arwell posa son journal et entrepris de sécher son tout petit ami. Il se dit qu’il vivait un moment unique, absolument unique: personne d’autre, aucun homme ce matin-là ne pouvait se vanter d’avoir un écureuil volant dans son café! Kadour se lova sous le col de sa chemise, dans le creux d’une de ses douloureuses cicatrices, à la base du cou, et s’endormit. Ce nouveau présent imposé par Kadour a fait oublier à Arwell les opérations passées et futures. La maladie et la peur passaient au second plan, derrière les petits bonheurs précieux d’un quotidien à ressort…

06 décembre 2011

Un géant sous les arbres, le gorille, de Bernadette Costa-Prades

Un géant sous les arbres, le gorille
de Bernadette Costa-Prades


De tous les singes de la planète, le gorille est peut-être le plus impressionnant. Mais qui est vraiment ce géant tranquille ? Que signifient ces mimiques, ces expressions qui l'animent... et qui ressemblent tant aux nôtres ? Est-il attentif à l'éducation de ses petits ? Comment construit-il le nid où il dormira ? Comment et pourquoi se déplace-t-il ? "Un géant sous les arbres, le gorille" répond à ces questions et à bien d'autres, et parle aussi de la place du gorille dans un environnement aujourd'hui menacé.

Un géant sous les arbres, le gorille, Bernadette Costa-Prades, Editlons Atlas Junior des Animaux, 2004, 30 pages

Au sommaire

- Le plus grand des primates
- Au jour le jour
- Langue de gorille
- En famille !
- Menaces sur les gorilles

Un aperçu du livre


Des reportages consacrés aux gorilles





02 décembre 2011

Lola ya bonobo, de Claudine André et Christine d'Hauthuille

Lola ya bonobo
Le paradis des bonobos
de Claudine André
photographies
de Christine d'Hauthuille

Un recueil de photos de 144 pages qui retracent le quotidien de "Lola ya bonobo". Un livre qui se veut pédagogique, ludique et accessible à tous. Sur chaque livre vendu, un euro sera reversé à l’ABC pour le fonctionnement du Sanctuaire Lola ya bonobo.

Le Comité OKA se bat aux côtés de ceux qui en pays francophones défendent une espèce en voie de disparition ou restaurent un environnement tout en permettant aux hommes et aux femmes d’en vivre. OKA est un mot Gabonais qui signifie "on avance". Pour sa première mission, le comité OKA a choisi de se rendre en RDC et d’appuyer l’engagement de Claudine André et de l’ABC pour sauver les bonobos.

Nous avons 98% des gènes en commun, et nous sommes pourtant devenus, en trente ans, leur principal prédateur. Les singes bonobos du Congo sont en voie de disparition, victimes des braconniers. Pour les sauver, Claudine André a créé en 2003 le sanctuaire Lola ya bonobo où ils sont soignés et protégés. Passionnée par cette aventure, Christine d'Hauthuille a réalisé un recueil de photos, plus attachantes les unes que les autres.

Lola ya bonobo, sanctuaire crée par Claudine André, photographies de Christine d'Hauthuille, Editions Oka, 2010, 144 pages

A propos de l'auteur

Claudine André est née en Belgique mais a grandi au Congo. Fondatrice de "Lola ya bonobo", elle traite aujourd'hui avec toutes les ONG internationales, défendant la biodiversité et intervenant dans le monde entier dans des conférences sur le sort des grands singes d'Afrique.

Pour en savoir plus

- Le site du sanctuaire Lola Ya Bonobo
- Une tendresse sauvage, de Claudine André
- Le film Bonobos, réalisé par Alain Tixier

Un aperçu du livre



26 novembre 2011

Grands singes, de Cyril Ruoso et Emmanuelle Grundmann

Grands singes
de Cyril Ruoso

et Emmanuelle Grundmann


Vous souhaitez mieux comprendre nos cousins les grands singes ? Cet ouvrage très documenté est illustré d'images aussi spectaculaires qu'émouvantes. A mi-chemin entre hommes et animaux, les orangs-outans, gorilles, chimpanzés et bonobos font bel et bien partie de notre album de famille !

Ecrit par Emmanuelle Grundmann, une primatologue réputée, notamment pour ses engagements en faveur de la protection des grands primates, mais aussi de la biodiversité des forêts tropicales, et richement illustré par les photos exceptionnelles de Cyril Ruoso, cet ouvrage entraînera le lecteur à la découverte des différentes espèces de grands singes. Il s'attachera également à décrypter leur vie sociale complexe, la relation qu'ils entretiennent avec la forêt, leurs capacités cognitives et leur habitudes culturelles sans omettre de parler des menaces qui pèsent sur leur survie. Tous sont aujourd'hui sur le fil de l'extinction du fait de la déforestation, du trafic de viande de brousse ou d'animaux de compagnie et le livre ne manquera pas de parler des diverses initiatives qui ont vu le jour ici et là pour tenter de sauver nos plus proches cousins. Enfin, une bibliographie indiquera sites internets, films et conseils de lecture. Ce livre déjà paru en langue anglaise, se distingue par son contenu scientifique dense délivré avec beaucoup de pédagogie, allié à des images d'une intensité emotionnelle et d'une qualité graphique rarement égalées sur le sujet.

Grands singes, Cyril Ruoso, Emmanuelle Grundmann, Editions Empreinte & Territoires, 2008, 132 pages

A propos des auteurs

Née à Montreuil (Seine-Saint-Denis), à moins que ce soit dans l'exubérance émeraude d'une forêt tropicale, Emmanuelle Grundmann rêve depuis toute petite d'Amazonie. Pour sa thèse, c'est à Bornéo qu'elle part s'immerger pendant de longs mois avec les orangs-outans dont elle étudiera le comportement. Et puis, un jour, elle survole la forêt indonésienne. Terrible image de désastre, de sylve brûlée, rasée, assassinée. Depuis, elle écrit et sillonne la planète, surtout les tropiques, pour parler de l'influence de l'homme sur la nature, de son rapport avec cette terre qu'il ne comprend pas ou plus et qu'il abîme irrémédiablement. Ces histoires, rencontres, joies et colères, elle les couche sur le papier de magazines avec lesquels elle collabore régulièrement et a aussi publié plusieurs ouvrages. Emmanuelle Grundmann essaie également d'apporter sa petite pierre au vaste édifice de la sauvegarde de la biodiversité et préside l'association Awely.

Photographe-reporter professionnel, Cyril Ruoso parcourt la planète depuis plus de 15 ans avec une prédilection certaine pour les forêts tropicales et leurs hôtes primates. Grâce à ses photos, il nous entraîne dans l'intimité des varans de Komodo, des hirondelles, des marmottes, des chimpanzés ou des grenouilles rousses, mais aussi dans le quotidien des acteurs de la conservation et des scientifiques de terrain. Il n'hésite pas, à travers ses photos, à dénoncer les pratiques humaines destructrices de l'environnement - la pollution, la déforestation ou le trafic d'espèces protégées, et il collabore avec l'association Awely.

Au sommaire

- La planète des grands singes
- Une mystérieuse histoire de famille
- La forêt tropicale en pension complète
- Le dilemme social des grands singes
- Devenir grand
- Si les grands singes parlaient…
- La culture : une affaire de grands singes aussi
- Des grands singes et des hommes
- Voisins et ennemis
- Pourrons-nous sauver nos cousins ?
- Rencontres simiesques
- Bibliographie

Pour en savoir plus

- Un aperçu du livre, disponible sur le site de l'éditeur
- Le site officiel d'Emmanuelle Grundmann et Cyril Ruoso
- D'autres livres des mêmes auteurs

Extrait

Etre grand singe, ce n'est pas seulement une question de taille. Ce nom regroupe, outre l'espèce humaine, nos plus proches cousins : gorilles, orangs-outans, chimpanzés et bonobos, sans oublier les gibbons et les siamangs, trop souvent laissés pour compte car plus petits et plus lointains dans l'arbre généalogique. Les Anglo-Saxons les appellent d'ailleurs fort justement les "petits grands singes". Si les grands singes comptent effectivement parmi les plus imposants des primates, leurs différences majeures se situent ailleurs. L'absence de queue tout d'abord, puis surtout leur cerveau, plus important et plus développé que chez les autres petits singes à queue. A ces deux caractéristiques principales s'ajoutent une vision très développée, une espérance de vie plus longue, une très longue enfance et un faible taux de reproduction. Les grands singes ont fasciné l'homme tout au long de l'histoire. Tour à tour adorés ou révérés en fonction des croyances, des religions et des cultures, les grands singes se sont toujours retrouvés dans une position ambiguë, à mi-chemin entre les animaux et les hommes, entre nature et culture, entre bestialité et humanité. Si les grands singes n'étaient très certainement pas connus des philosophes antiques, les singes à queue, en revanche, l'étaient, et exerçaient déjà ce pouvoir de fascination sur des hommes tel que le grand Aristote, qui en était venu à les considérer comme des créatures intermédiaires, plus tout à fait animaux mais pas encore totalement hommes. Ce fut au moment où furent lancées de grandes expéditions à travers le monde, puis au siècle des Lumières, que les choses se précisèrent. Le Moyen Age avait diabolisé les singes, mais les explorateurs commencèrent à ramener dans leurs bagages d'étranges créatures aux contours terriblement humains.

22 novembre 2011

Ces singes qui parlent, d'Eugene Linden

Ces singes qui parlent
d'Eugene Linden

Mise à jour : Ajout du sommaire et des extraits

Depuis des siècles, l'homme occidental se considère comme séparé du monde animal. Mais, après Darwin, les barrières entre l'humanité et le reste de la nature ne cessent de s'effriter. Le langage restait l'une des dernières prérogatives humaines : il nous faut maintenant la partager avec les grands singes.

Washoe, un chimpanzé femelle, a appris l'ameslan, un langage gestuel utilisé par les sourds-muets. Elle connaît et utilise plusieurs centaines de mots. Koko, une jeune gorille, a des performances encore supérieures. Aujourd'hui, plusieurs dizaines de singes, dans les laboratoires, parlent aux humains aussi bien qu'entre eux.

Eugene Linden a enquêté auprès des psychologues et des linguistes. Il rapporte les faits acquis et les âpres débats sur leur signification. Il discute les implications vertigineuses, scientifiques et philosophiques, des performances de Washoe et de ses congénères. Ne serait-ce pas ici le début d'une véritable révolution de nos conceptions sur la place et le rôle de l'homme dans la nature ?

Ces singes qui parlent, Eugene Linden, Editions Seuil, 1979, 320 pages, illustrations en noir et blanc

Une autre présentation du livre, extraite de l'introduction

P12-P13 ../.. Dans la première partie, nous ferons connaissance avec Washoe et nous considérerons les premiers remous qu'elle a créés dans le monde des sciences (chapitres 1 à 4). Nous visiterons ensuite (chapitres 5 à 10) son domicile actuel et nous rencontrerons ses congénères et les êtres humains qui l'entourent, avant de nous intéresser à une audacieuse expérience qui se propose d'amener les membres d'une bande de chimpanzés à faire appel à un langage humain pour communiquer les uns avec les autres au cours de leurs activités quotidiennes. Il sera temps alors (chapitré 11) d'essayer d'isoler, à la lumière des chapitres précédents, un aspect du comportement qui, vu la faillite des distinctions traditionnelles, pourrait nous aider à comprendre certaines des différences manifestes entre l'homme et le chimpanzé. Nous examinerons ensuite (chapitres 12 et 13) l'avenir des travaux inaugurés avec Washoe et les résultats obtenus par d'autres chercheurs dans leur tentative de communiquer (par des moyens différents) avec d'autres chimpanzés. Nous ferons connaissance avec un autre primate, une jeune femelle de gorille du nom de Koko. Enfin, (chapitre 15) nous essaierons d'envisager un peu ce que signifie, d'un point de vue culturel, la possibilité de converser avec un animal d'une autre espèce.
Dans la seconde partie (chapitres 16 à 20), nous examinerons aussi bien les événements qui ont abouti au phénomène Washoe que les transformations dont il est le signe, dans le monde des sciences comme dans notre monde de tous les jours. Pour conclure, nous tenterons d'analyser la vision du monde pour laquelle l'apparition de Washoe ne pouvait qu'être une surprise et de l'opposer à une nouvelle vision du monde, encore en formation et pour laquelle les performances de la petite guenon n'ont rien de surprenant.

A propos de l'auteur

Eugene Linden est né en 1947. Journaliste, il a effectué des reportages au Vietnam puis publié un ouvrage sur l'impact de l'aide des Etats-Unis en Afrique. C'est après une longue enquête dans les laboratoires, et de nombreux articles sur les singes et le langage, qu'il a écrit ce livre.

Au sommaire

Introduction
I - Le chimpanzé dans le temple du langage
1. Le problème : un chimpanzé qui jure
2. Washoe
- L'arrière-plan
- La vie à Reno
- Le langage
- L'enseignement du langage
- Washoe prend le relais
- La collecte des données
- Combinaisons
3. Enfant et chimpanzé : essai de comparaison
- Le problème de l'acquisition du langage chez l'enfant
- Le langage et son développement chez l'enfant, selon la description de Roger Brown
- L'intelligence sensori-motrice
- Confrontation du schéma de Washoe à celui de Brown
- "Toi chatouiller moi"
4. Les réactions du monde scientifique
- Langage, nom, concept
- Langage et technique
- Déplacement et reconstitution : leur place dans l'histoire de l'hominisation
- Les débuts de l'humanité
- Bref historique du langage gestuel
5. L'Institut pour l'étude des primates
6. La colonie chimpanzé : Lucy
- La fin de l'enfance
7. La colonie chimpanzé : Ally
8. La colonie chimpanzé : Bruno et Booee
9. Une description du langage parmi d'autres
10. Une communauté de chimpanzés parlants
- Interchangeabilité
- Transmission culturelle
- Productivité
- Déplacement
11. Le déplacement et l'évolution de l'intelligence
12. Perspectives
13. Sarah
14. Koko
15. Premières conclusions
II - Rehabilitation de l'esprit animal
16. La nature de l'évolution scientifique
- L'évolution scientifique
17. Darwin dans le temple de Platon
18. La Société du comportement animal, Washoe et une certaine convergence entre Skinner et Lorenz
- En attendant le colloque
19. Le colloque
- Communication animale et langage humain ; discontinuité dans la démarche ou dans l'évolution ?
20. Après le colloque
21.Washoe et l'expédition lunaire : Dionysos et Apollon
Bibliographie

Pour en savoir plus

- La rubrique Ces singes qui parlent
- Des vidéos en ligne sur le sujet
- Ou bien, du même auteur Les lamentations du perroquet

Quelques extraits

Chapitre 5 : L'Institut pour l'étude des primates

P98 ../.. Si Washoe a été transplantée du Nevada dans l'Oklahoma, c'est qu'elle est appelée à être un émissaire de l'humanité auprès des chimpanzés ; nouveau Prométhée, elle doit inciter un groupe sélectionné de chimpanzés à faire appel à l'ameslan pour communiquer non seulement avec les hommes, mais aussi entre eux, au cours de leurs activités quotidiennes. Cette démarche consiste, en substance, à reproduire l'évolution qui a provoqué le langage humain : il s'agit d'intensifier les pressions de sélection qui peuvent aboutir au développement du langage au sein d'une communauté appartenant à l'espèce qui nous est la plus proche.
Au milieu d'un monde où seul l'homme dispose du langage, l'île aux chimpanzés est l'embryon d'un monde nouveau où les animaux en feront autant. ../..

Chapitre 13 : Sarah

P203 ../.. Je me rappelle avoir lu une interview de Elisabeth Mann Borghese, femme du philosophe italien et fille de Thomas Mann : elle y parlait de ses tentatives de communication avec des chiens et des chimpanzés. Ainsi elle a appris à son setter, Arlecchino, à écrire des dictées sur une machine construite spécialement pour lui, dont le clavier est assez grand pour qu'il puisse appuyer sur les touches avec son nez. Son vocabulaire comprenait 60 mots et son alphabet 17 lettres. Dans la plupart des cas le chien se contentait d'écrire ce qu'on lui dictait. Mais, une fois, alors que sa maîtresse lui avait demandé où il voulait aller, Arlecchino, qui avait une passion pour les promenades en voiture, tapa sur sa machine le mot "auto". Mme Borghese cite un autre épisode : elle voulait lui faire une dictée, mais lui n'en avait pas envie et restait sourd à toutes ses adjurations; il baillait, s'étirait... soudain il s'approcha de la machine et, de son propre chef, écrivit : "un chien mauvais mauvais". ../..

Chapitre 14 : Koko

P209 ../.. Elle sait utiliser le langage de manière créative pour décrire des situations nouvelles, c'est ainsi qu'elle a baptisé "gâteau caillou" une pâtisserie rassise, qu'elle a formé les signes "écoute pas bruit" quand un réveil-matin a cessé de sonner et qu'elle a un jour décrit un masque comme un "chapeau oeil". Elle pousse des jurons et dispose de tout un lexique d'insultes : sale, WC, sale WC, pourri, pourri puer, stupide, andouille, bon sang (damn) et oiseau sont quelques-uns des mots qu'elle utilise pour exprimer son mécontentement. Koko connaît le sens réel de "andouille" et de "oiseau" et sait les utiliser dans les deux sens. Quand elle fait référence à l'animal ou à la charcuterie, elle forme le signe au milieu de la bouche, comme il convient. Quand elle utilise ces deux mots dans leur sens insultant, elle en trace le signe sur le côté de la bouche. Penny Patterson pense qu'elle utilise le mot "oiseau" comme une insulte parce qu'elle déteste les passereaux criards qui font raffut autour de la caravane.
Au cours de ma visite, j'ai eu l'occasion d'entendre Koko utiliser un échantillon de son vocabulaire scatologique. Elle était plongée dans la contemplation d'un calendrier illustré et Penny me signala qu'une des photos était celle d'un orang-outan. Désireux de montrer cette image à Koko, je commis l'erreur de m'emparer du calendrier pour trouver la page en question. Koko entra aussitôt dans une violente colère, qu'elle maîtrisa tout aussi vite. Pendant les quelques instants qui suivirent, elle demeura extrêmement agitée et, selon Penny, effrayée d'avoir failli perdre le contrôle d'elle-même. Pour la distraire, Penny lui montra alors une photo de son gorille de père en lui demandant : "qui est-ce ?". Koko demeura assise, boudeuse, et finit par former les signes : "ça pourri puer". J'ai le sentiment qu'elle voulait parler de moi mais était trop bien élevée pour donner libre cours à sa colère contre un inconnu.
Je pris congé un peu plus tard et Koko forma le signe "au-revoir" des deux mains. Penny me dit qu'elle ne le fait que lorsqu'elle est vraiment heureuse de voir quelqu'un s'en aller.

Chapitre 16 : La nature de l'évolution scientifique

P222 ../.. Washoe, comme le démontrent amplement les réactions des sourds qui assistent à la projection de ses exploits filmés, ne parle pas seulement aux spécialistes de la psychologie comparée, mais au monde entier. De même, elle ne se contente pas de remettre en question les hypothèses qui ont cours sur le comportement animal et humain, elle pose des problèmes d'ordre éthique aux recherches futures. Ces questions éthiques débordent à leur tour le cadre de la science pour interpeller la théologie, la philosophie et la politique. ../..

20 novembre 2011

Sans les animaux, le monde ne serait pas humain, de Karine Lou Matignon

Sans les animaux,
le monde ne serait pas humain
de Karine Lou Matignon
préface de Boris Cyrulnik

Mise à jour : Ajout du sommaire et des extraits

De notre ancêtre chasseur au scientifique d'aujourd'hui en passant par le chamane qui était en relation magique avec le maître-esprit des animaux, communiquer avec les bêtes est un vieux rêve de l'humanité. Mais existe-t-il un langage commun à l'homme et à l'animal ? Est-il possible par exemple que le chant des oiseaux nous aide à mieux comprendre le monde ? A travers leurs propres expériences, des chercheurs, des artistes, des aventuriers tentent dans cet ouvrage de redéfinir la place de l'homme en franchissant ce fossé qui nous a séparés de l'animal. Ils nous invitent, avec l'auteur, à découvrir les mille manières dont on peut communiquer avec les bêtes et nous montrent comment, grâce à leur enseignement, mieux comprendre notre propre condition. Et si le fait de retrouver cette sensibilité et cette curiosité d'enfant à l'égard de l'animal, loin de nous détourner de l'humain, nous en rapprochait ?

Sans les animaux, le monde ne serait pas humain, Karine Lou Matignon, préface de Boris Cyrulnik, Editions Albin Michel, 2000, 344 pages

A propos des auteurs

Karine Lou Matignon est journaliste (Le Nouvel Observateur, Nouvelles Clés). Elle a écrit de nombreux articles et reportages sur les animaux, et est notamment l'auteur de "La plus belle histoire des animaux", publié au Seuil en collaboration avec Boris Cyrulnik et Pascal Picq.

Boris Cyrulnik, neurologue, psychiatre, psychanalyste, est l'un des fondateurs de l'éthologie humaine. Il est notamment l'auteur des "Nourritures affectives" et de "Un merveilleux malheur".

Au sommaire

Préface de Boris Cyrulnik
Prologue
I. Empreintes animales
Introduction
1. L'homme qui écoute les oiseaux : François-Bernard Mâche
2. Les rythmes du monde : Michel André
3. Jouer de la musique comme un tigre : Yehudi Menuhin
4. Le quêteur de loups : Claude Seignolle
5. Chamane : Roberte Hamayon
6. Du totem de l'éléphant : Jacqueline Roumeguère
7. Cet autre de l'homme : Pascal Picq
II. L'échange
Introduction
1. Liaisons dangereuses : Michel Chanton
2. L'homme qui nous réconcilie avec les animaux : Boris Cyrulnik
3. Le chien, lien social : Joël Dehasse
4. L'enfant d'eau : Jonathan et Christiane de Sèze
5. Le monde du "dauphin merveilleux" : Véronique Servais
6. L'enfant et l'animal : Hubert Montagner
7. Quand les animaux réapprennent aux enfants à aimer : Samuel Ross
III. La femme sauvage
Introduction
1. L'allaitement des animaux par les femmes : Jacqueline Milliet
2. La femme-renarde : Arlette Chosson
3. Chevaux de sel : Michèle Le Braz
4. Rencontre avec une louve : Hélène Grimaud
5. Sur la terre des singes : Alliette Jamart
6. Libération delphinienne : Véronica Duport
IV . Les centaures
Introduction
1. Le poète et son coursier : Bartabas
2. Un petit cheval dans la tête : Jean-Louis Gouraud
3. Conversation cavalière : Dominique Giniaux
4. Du cristal pur sur un fil d'argent : Jean-Paul Gallorini
V. Les conspirateurs silencieux
Introduction
1. L'envolée sauvage : Christian Moullec
2. Le coureur des bois : Lynn Rogers
3. L'éveil du chimpanzé : Olivier Marchal
4. Capter nos racines : François Bell
5. Magie Féline : Matto H. Barfuss
6. L'homme aux chiens à tête de loup : Nicolas Vanier
7. Le meneur de loups : Werner Freund
8. L'âme des montagnes
Epilogue
Notes
Bibliographie
Adresses utiles

Pour en savoir plus

- D'autres livres de Karine Lou Matignon
- D'autres livres de Boris Cyrulnik
- Le singe est-il le frère de l'homme ? de Pascal Picq
- Chiens hors du commun, de Joël Dehasse
- Chats hors du commun, de Joël Dehasse
- L'enfant et l'animal, d'Hubert Montagner
- Variations sauvages, d'Hélène Grimaud
- L'âge de l'empathie, de Frans de Waal

Quelques extraits

Prologue

P23 ../.. "En tant que biologiste spécialisé dans la recherche sur le comportement des chimpanzés, j'ai moi-même rencontré de fortes résistances lorsque j'ai proposé le terme de 'réconciliation' pour décrire les retrouvailles amicales entre deux individus qui étaient précédemment des adversaires, explique le primatologue Frans De Waal. Plus d'une fois on m'a demandé si le terme de réconciliation n'était pas exagérément anthropomorphique. Or les termes liés à l'agression, à la violence et à la compétition n'ont jamais posé le moindre problème ; mais on aurait voulu que j'emploie une terminologie parfaitement neutre pour évoquer les rapports affectueux manifestés par deux chimpanzés après une phase de querelle. Une réconciliation scellée par un baiser aurait dû être décrite comme une 'interaction post-agoniste, avec contact bucco-buccal'. Recourir à des termes différents pour désigner les comportements de l'homme et des animaux conduit souvent à voiler des ressemblances fondamentales." ../..

Les rythmes du monde : Michel André

P53 Etudier l'animal hors de son territoire est un non-sens

Le dossier n'est pas neuf. D'autres hommes tels que Jim Nolman ou Paul Spong pour ne citer que les plus médiatiques et les plus originaux se sont lancés dans cette recherche, d'abord portés par l'enthousiasme naïf des précurseurs puis avec la ferme conviction d'entrer en interaction avec les cétacés pour étudier leurs moeurs et leurs comportements. Musiciens de formation tous les deux, ils ont été amenés par des biais différents à jouer du jazz, du reggae, du rock et autres rythmes avec des orques et des baleines en milieu sauvage. A chacune de ces occasions, les animaux ont été comme captivés au point de s'engager avec eux dans une sorte de récréation musicale. Sur le fond, rien d'étonnant. On sait aujourd'hui à quel point ces animaux dotés d'une excellente mémoire auditive sont capables de jouer avec les sons au point d'imiter un signal électronique, un chant d'oiseau, la respiration d'un homme et même le bruit d'un lave-linge ! ../..

Cet autre de l'homme : Pascal Picq

P89 ../.. Le fait que les chimpanzés possèdent des structures similaires aux nôtres est d'une importance considérable. Ce sont des potentialités héritées d'un ancêtre commun qui expliquent cette incroyable capacité à apprendre le langage humain, à l'utiliser et à le transmettre. Les observateurs montrent bien que les singes qui se sont laissé enseigner par l'homme adaptent et réutilisent ensuite ce langage spontanément au sein de leur groupe sans avoir recours à des sollicitations humaines. Si ces expériences pouvaient se poursuivre dans le temps, l'intelligence des chimpanzés serait peut-être à même de créer une intelligence collective avec ses propres cultures. Cela a sans doute commencé ainsi avec Homo habilis, il y a deux millions et demi d'années. ../.. [NDLR. Les singes transmettent aussi spontanément ce langage à leurs petits, sans intervention humaine.]

Liaisons dangereuses : Michel Chanton

P104 ../.. "Les phéromones, du grec pherein hormân, qui signifie 'transporteur d'excitation', sont une production hormonale dirigée vers l'extérieur. Ce sont les signaux les plus répandus dans le règne animal et les plus anciens aussi : les organismes primitifs comme les protozoaires échangent leurs informations par ce moyen. Donc, l'émission inconsciente de celles-ci renseigne le chien sur notre humeur. Si notre nez est tapissé de cinq millions de cellules olfactives sur une surface de muqueuse ne dépassant 4cm2, celui du chien en possède 44 fois plus pour 150cm2. Pour compléter la reconnaissance et l'analyse des molécules olfactives, l'animal possède aussi un outil supplémentaire, régressé chez l'homme dès les premiers mois de la vie foetale : l'organe voméro-nasal. Situé à l'avant du palais, ce capteur transmet au cerveau - où les cellules consacrées à leur reconnaissance sont quarante fois plus nombreuses que chez l'homme - des informations gustatives et olfactives. Un atout qui permet au chien de pouvoir distinguer un homme d'un autre, de repérer à plusieurs kilomètres les phéromones dégagées par une femelle en chaleur ou encore de retrouver des cadavres immergés à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, de reconnaître tous les objets qui ont été touchés par une femme se trouvant dans la seconde période de ses règles, le moment clé où son organisme fabrique de la progestérone. Il est aussi capable d'identifier la peur ou la nervosité qui envahit un être vivant, homme ou animal." Des chiens ont également révélé des comportements d'inquiétude dans l'heure qui précède les crises convulsives de leur propriétaire épileptique. Est-ce dû à l'embrasement des cellules cérébrales de leur maître, à une odeur particulière ? Sans que l'on sache expliquer pourquoi, d'autres ont détecté des arrêts respiratoires chez des nourrissons, des tumeurs cutanées cancéreuses, l'hypoglycémie de leurs maîtres diabétiques. ../..

L'envolée sauvage : Christian Moullec

P250-P251 ../.. Au terme de multiples virées aériennes, d'atterrissages héroïques tant pour Christian à bord de sa machine que pour les jeunes oies qui ne savent pas encore se poser, c'est enfin le grand vol d'essai.
Nous sommes en septembre. Il est dix-huit heures. Sur le terrain herbeux, le vent fait frémir doucement les ailes de l'engin. Autour de lui, douze oies nonettes impatientes. C'est l'heure. Christian décolle, s'élève, la troupe suit, se place en formation. "A 1800m d'altitude, l'escadrille était formidable de régularité, les oiseaux se relayant parfois en tête de formation dans une brève illusion d'anarchie. Je volais à 55km/h, un jeu pour mes petites nonnettes qui peuvent voler à 80km/h pendant plus de quatre heures. Chaque nuit, tout l'équipage se reposait à terre. Je me posais le premier tandis que les oies tournaient encore un peu pour inscrire géographiquement les lieux dans leur mémoire."
Ensemble, ils traversent la France depuis le Cantal jusqu'en Grande Brière, au bord de l'estuaire de la Loire, une zone où hivernent des oies bernaches cravants proches des nonnettes. Une distance de 650km en huit jours en guise de test avant les futures migrations. "On ne peut pas voler avec les mêmes oiseaux plus d'un an. Avec Loulou, une femelle au tempérament volontaire et dominant, j'ai volé deux années. Elle était le plus souvent en tête et dans de nombreuses situations m'a évité le pire. Un jour, les oiseaux ne voulaient pas prendre d'altitude. J'ai été obligé de voler bas pour ne pas les perdre. A cette altitude, en ULM, le danger est particulièrement grand. Et là, j'ai vu Loulou qui était à l'arrière passer devant le groupe et remonter tout le monde, accrochée à ma machine. C'était fabuleux." Parvenu à destination, Christian laissent les oiseaux sur place. Au printemps prochain, ils retourneront seuls dans le Cantal. C'est la coutume chez les oies : revenir pour se reproduire là où elles ont appris à voler. Pourtant les compagnons de route de Christian ne pointeront jamais le bout de leurs ailes. "Capturées en Vendée, elles ont été débaguées et éjointées pour décorer le plan d'eau d'une commune. Le sacrifice de mes oiseaux doit servir à dénoncer certaines carences. La beauté, la magie de la nature méritent que des initiatives, même privées ou même utopiques, voient le jour pour interpeller, pour bouleverser les laxismes souvent responsables de gâchis stupides dans le domaine de l'environnement entre autres."

P252-P253 (fin du chapitre) ../.. Deux ans plus tard, il s'embarque en compagnie de sa femme et de trente oies naines (une espèce en voie de disparition) dans un voyage de 1400km, dont plus de la moitié au-dessus de la mer Baltique, qui les mène de la Suède en Allemagne. Le voyage dure cinq semaines. Les oiseaux ont été élevés de la même manière que les autres à une différence près : afin que les oiseaux ne s'habituent pas à la forme humaine et ne risquent pas de se laisser approcher, le couple Moullec s'est affublé d'une grande cape beige. D'autre part, l'entraînement au vol n'a pu s'effectuer qu'en Suède, pendant deux mois, condition essentielle pour qu'elles mémorisent la réserve suédoise.
Au terme d'une série d'écueils et de vive émotion, telle la rencontre avec d'autres espèces de migrateurs en route vers le sud, l'arrivée réussit. "Le but est toujours le même : proposer aux oiseaux de nouvelles zones d'hivernage en toute sécurité. Les couples formés pourront ensuite faire hiverner eux-mêmes leurs descendances. Les oiseaux migrateurs en général ne connaissent pas les frontières. Alors qu'ils sont protégés partout en Europe, ils sont chassés en France en toute impunité. Une minorité d'individus de la chasse extrême dictent à nos politiques comment 'gérer' l'environnement."
Christian persiste et, tandis que la lumière tombe sur le Rhin, une autre idée émerge lentement de son esprit. Son prochain défi sera la Laponie avec plusieurs ULM et une centaine d'oies naines. Ils ne sont que quelques-uns dans le monde à voler avec les migrateurs. Aujourd'hui, un groupe de chercheurs américains s'intéressent de près à l'expérience de Christian pour les mêmes raisons : tenter de réaliser des migrations en ULM avec des espèces menacées (cygne trompette et grue blanche).
Assurément, les rêves des enfants ont ce pouvoir de faire de certains hommes des arpenteurs célestes capables de capter l'âme des oiseaux.

Couverture de l'édition 2003