25 février 2010

Sales bêtes ? Respectons-les, d'Allain Bougrain Dubourg

Sales bêtes ?
Respectons-les
d'Allain Bougrain Dubourg

Trafics de chiots, braconnages qui se pérennisent, poules confinées en batteries, abeilles menacées par des produits chimiques... Jusqu'à quand les animaux paieront-ils un aussi lourd tribut à nos exigences de production et à nos habitudes de prédateurs ? A la demande du Président de la République, le Ministère de l'Agriculture a engagé un travail de réflexion sur la protection animale. Cette initiative, baptisée "Rencontres animal et société", a fait renaître l'espoir de voir nos "voisins de planète" enfin respectés. Dans cette remarquable enquête, Allain Bougrain Dubourg fait le bilan des avancées et des échecs de la cause animale. Les actions entreprises sont d'importance : enquêtes multiples, procès engagés par les associations de protection animale, soins à la faune sauvage en détresse, opérations commando ou encore demande de modification du code civil... Mais les résultats sont-ils à la hauteur des espérances ?

Sales bêtes ? Respectons-les, Allain Bougrain Dubourg, Editions Arthaud, 2008, 203 pages

A propos de l'auteur

Allain Bougrain Dubourg est un homme de combat. Vingt ans après son émission Animalia, le journaliste milite toujours pour la protection de la nature. Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, il compte parmi les personnalités marquantes dans le domaine de la protection des espèces animales. Il a été l'un des acteurs du "Grenelle de l'environnement" et des "Rencontres animal et société".

Pour en savoir plus

- L'analyse du livre, par la LFDA, La Fondation Droit Animal
- D'autres livres du même auteur
- Un éternel Treblinka, de Charles Patterson
- A nos frères les animaux, de Geneviève Coupeau
- Les rubriques Exploitations et Droits - Ethique

Sommaire

- Introduction
- Tous des bêtes ?
- Le poids des mots
- Opérations commando
- Théodore Monod et autres "savanturiers"
- Dog connection
- L'arène et l'Hémicycle
- Une batterie de misères
- Les pseudo-Raboliot
- Le renard, ce mal-aimé
- Le droit à l'observation
- L'affaire Cannelle
- L'agonie des bébés phoques
- Les abeilles en otage
- Le prix du vivant
- Rencontres improbables


Sales Bêtes ?
par jeromelescure

Quelques extraits du livre

Chapitre - Tous des bêtes ?

p27 ./. En droit français, le 'Code civil' juge que l'animal n'étant pas une personne, il ne peut être qu'un bien. Or, comme les biens en question sont "meubles ou immeubles", l'animal se voit relégué à ce médiocre statut. ./.

Chapitre - Le poids des mots

p39 ./. Dans un autre genre, chacun s'est félicité de "la cravache d'or", récompensant les mérites d'un valeureux jockey. A-t-on seulement réfléchi au sens de l'hommage : une cravache ! Où est la prétendue compassion entre le cavalier et sa monture ? Retenir un objet coercitif pour valoriser l'homme prouve le peu de cas que l'on fait de l'animal. Pourquoi ne pas avoir choisi "le sabot d'or", "la crinière d'or", que sais-je encore ?

"L'éperon", qui gratifiait l'initiation à l'équitation, n'est guère plus satisfaisant. Comment les responsables équestres ont-ils pu choisir un tel objet qui laboure les flancs de l'animal pour "diplômer" les jeunes cavaliers ? A l'évidence, la communion qui doit théoriquement constituer la base des relations entre le cavalier et le cheval reste bien méprisée au regard de "l'éperon", générant une domination brutale sur l'animal. Si le terme apparaît encore ici ou là, il a fort heureusement été remplacé par le "galop" qui correspond davantage à une distinction acceptable. ./.

Chapitre - Opérations commando

p46-p51 Prescription oblige, je peux désormais avouer m'être engagé dans des opérations peu (ou pas !) conformes au droit. Il ne s'agissait pourtant pas d'erreurs de jeunesse, mais simplement de révoltes qui me semblaient autoriser une réaction légitime et nécessaire. Depuis, je suis devenu un légaliste... frustré.
Revenons à la fin des années 1970, alors que le tir aux pigeons vivants fait recette dans le bois de Boulogne.
Un club permet à ses membres triés sur le volet de se soulager périodiquement en abattant des volatiles lâchés face à eux par de jeunes petites mains. Les mêmes récupéreront les cadavres ou les blessés après chaque salve.
La démarche n'est pas sans rappeler les ramasseurs de balles officiant non loin, à Roland Garros. Paule, qui signe à l'époque "Le billet d'une emmerdeuse" chaque semaine dans Charlie Hebdo, me signale ce club très particulier dont j'ignorais complètement l'existence. "Nous ne pouvons pas laisser faire ces salauds ", ajoute Paule avec une détermination qui ne souffre aucune discussion. Nous décidons alors "l'opération commando".
Deux complices acceptent de se joindre à nous. Après quelques jours de repérage, permettant d'apprécier les habitudes du club et la situation précise des lieux, nous décidons d'agir lors d'une belle nuit de printemps. Passant les clôtures, nous atteignons rapidement les volières qui emprisonnent plusieurs centaines de futures victimes, tandis qu'une soirée avec orchestre couvre les bruits de notre avancée. Chacun d'entre nous découpe méthodiquement les grillages. Chaque coup de pince réveille davantage les pigeons qui ne tardent pas à s'agiter. Un trou béant leur permet déjà de gagner la liberté, mais trop peu d'entre eux approchent de l'issue. Ils sont au moins aussi terrorisés que nous. En pénétrant à l'intérieur de la volière, je parviens pourtant à en pousser le maximum vers l'extérieur. Les envols désordonnés provoquent un tintamarre qui me paraît assourdissant... les réjouissances musicales d'à-côté parviendront pourtant à étouffer les bruits de notre opération.
Le lendemain, avec une équipe d'Antenne 2, je "couvrais" l'événement en accompagnant le directeur du club sur les lieux du délit. Ce dernier, sûr de son bon droit, condamnera "l'acte inqualifiable", tandis que j'apercevais la pince coupante que j'avais perdue la veille après notre départ précipité...
L'affaire aura le mérite de révéler au grand public cette pratique d'un autre temps, grâce à une presse plutôt acquise à notre action.
Quelques semaines plus tard, les élus et la préfecture condamneront cette pratique.
Le tir aux pigeons vivants se perpétuera pourtant dans le Nord. Des manifestations réunissant de nombreuses associations de protection animale viendront finalement à bout de l'abattage sommaire des colombidés. Et, l'interdiction sur l'ensemble du territoire suivra sans tarder ces premières dispositions.
Ainsi donc, alors que le "devoir d'ingérence" ou "l'incivilité de circonstance" n'avaient pas encore secoué les consciences, je constatai que la fin pouvait parfois justifier les moyens.

Fort de ce passe-droit moral, je poursuivais sans état d'âme (ou presque) sur les chemins ambigus de l'illégalité, au nom de la bonne cause.
Le souvenir du lieu et de l'époque reste vague, mais je conserve l'image de ces bâtiments isolés en pleine campagne. A l'intérieur des dizaines de chiens, autant de chats, quelques singes et autres animaux de laboratoire. En fait, aucun d'entre nous ne connaissait précisément la densité et la nature des animaux, pas plus que l'organisation et l'aménagement des cages. Nous savions seulement que le site conservait de futures victimes. Et il n'en fallait pas davantage pour nous motiver.
Une partie du groupe avait pour mission de se positionner en sentinelle, en périphérie du site, tandis que nous devions intervenir dans les plus brefs délais en kidnappant les animaux. Un vétérinaire, chargé d'administrer des calmants aux chiens, multipliait les piqûres, nous n'avions plus qu'à porter les animaux endormis vers des camionnettes prêtes à partir.
Je revois ces pauvres bêtes terrorisées derrière leurs barreaux. Je ressens cette odeur improbable : le "propre" panaché de crasse. La crasse n'apparaissait pas, elle était insidieuse et transpirait seulement par l'enfermement, la misère, la promiscuité des bêtes. Je me rappelle notre révolte. Je n'ai pas oublié notre silence pesant, les mots justes pour une efficacité maximale... En moins d'une heure, le sinistre lieu sera vidé de ses occupants.
Le lendemain, une fois encore, la presse révélera notre opération en rouvrant le dossier de l'expérimentation animale.
Certes, l'illégalité de la démarche sera condamnée, mais l'indispensable réflexion sur l'utilisation des animaux de laboratoire s'imposera aux Autorités. Et les méthodes évolueront... lentement, trop lentement. Mais elles évolueront !

Bien plus tard, c'est l'abattoir de Nice qui me conduira à enfreindre le droit.
On m'avise qu'une jument en provenance de Pologne a mis bas une superbe pouliche dans le wagon qui la conduit à la mort. Mon informateur est écoeuré. Je le suis tout autant.
Croyant en mon influence, on me demande d'intervenir auprès du cabinet du ministre de l'Agriculture pour tenter l'ultime grâce. Le règlement interdit, en effet, à tout animal vivant entré dans un abattoir d'en ressortir autrement que sous forme de... carcasse.
Sensible à cette douloureuse mais si belle aventure, le cabinet de Michel Rocard, alors ministre de l'Agriculture, m'affirme qu'il fera exception. La jument et sa pouliche seront graciées, m'assure-t-on.
J'avise immédiatement mon informateur (qui souhaite conserver l'anonymat), en me réjouissant d'un épilogue aussi heureux. En réalité, la direction de l'abattoir de Nice refusera de changer le règlement sans une lettre écrite du Ministère. Or, ce dernier préfère s'en tenir à des interventions téléphoniques... Je plaiderai à nouveau en haut lieu sans qu'aucune des parties ne veuille soit formuler l'ordre par écrit, soit l'admette par téléphone.
Trois mois plus tard, alors que j'étais auprès de Brigitte Bardot qui suivait attentivement l'affaire, j'apprends par mon informateur que la jument doit "passer au couteau" le lundi matin, à la première heure. Il me reste 48 heures pour agir. Une seule solution s'impose : il faut enlever la jument.
Avec un ami restaurateur, nous partons, flanqués d'un van en attelage, direction l'abattoir de Nice. J'en ai les plans et je retrouve sans difficulté la jument et sa pouliche que nous baptisons Polka.
Alors que nous scions la lourde chaîne qui ferme un lointain portail de l'abattoir, un employé, fourche en main, nous découvre en plein casse. Nous nous retrouverons conduits manu militari à la gendarmerie de Nice, tandis que l'affaire fera le tour des rédactions. Michel Rocard finira par gracier la jument et Polka ! Une première qui n'a malheureusement guère fait jurisprudence... ./.

Chapitre - Une batterie de misères

p90-p91 ./. On se satisfait de 550cm² par poule, soit moins que la surface d'une feuille A4 (21cm x 29.7cm). Et rentabilité oblige, 4 à 5 volailles doivent coexister sans pouvoir ni marcher, ni ouvrir leurs ailes. Tout juste peuvent-elles se retourner.

Est-il admissible de tolérer un pareil supplice ? J'ai vu les doigts de ces volailles coincés dans les grillages, leurs griffes ayant poussé démesurément faute de pouvoir gratter le sol. J'ai constaté la promiscuité entraînant l'agressivité. C'est si vrai que les éleveurs coupent les becs (sans anesthésie) pour limiter les effets secondaires. J'ai observé ces bêtes tétanisées par des conditions de vie ne respectant pas les plus élémentaires besoins physiologiques et psychologiques. Les poules pondeuses paient sûrement le plus lourd tribut à cette industrie surréaliste. En France, sur les 50 millions de poules destinées à la ponte, 80% sont détenues dans ces misérables cages en batterie. ./.

p92 ./. En 2001, près de 90% des 300 millions de poules pondeuses de l'Union européenne subissaient l'odieux quotidien des élevages en batterie. ./.

Chapitre - L'agonie des bébés phoques

p154-p155 ./. Le gouvernement [canadien] a interdit de survoler la zone de chasse à moins de 600 mètres d'altitude et d'approcher un phoque à moins de 800 mètres afin de... ne pas perturber les naissances. En d'autres termes, il est interdit d'observer les phoques mais le massacre reste autorisé ! ./.

Chapitre - Rencontres improbables

p197-p198 ./. Quelques jours plus tard, les "Rencontres animal et société" reprennent leur routine sans impulsion nouvelle. Brigitte Bardot, avec qui je fais le point en lui signifiant - malgré tout - l'espoir de progrès me rappelle à la lucidité : "Tu n'obtiendras rien ! Les rencontres sont une mascarade...". Difficile de lui faire valoir le contraire. Pourtant, je veux croire, espérer la lucidité, la rupture.
Nous voilà fin juin. Le ministère a prévu de rendre ses conclusions le 8 juillet. Il faut tenter de renégocier en urgence, d'obtenir à l'arraché quelques mesures indispensables. Les Rencontres "off" se dessinent. Lors d'un déjeuner au ministère de l'Agriculture, on me communique les 10 "propositions phares" et les 35 mesures qui pourraient être retenues. Je suis d'autant plus effondré que je me sens complice. Mon investissement a donc conduit à des dispositions aussi médiocres qu'une circulaire rappelant l'obligation de disposer d'équipement de contention pour l'abattage ? Que la réédition d'un livret de responsabilisation à destination des nouveaux acquéreurs d'animaux de compagnie ? Qu'un programme de formation pour les sacrificateurs rituels ? Que l'inventaire des cirques présentant des animaux ? La liste pathétique n'est pas close. Mais certaines mesures "révolutionnaires" méritent qu'on s'y attarde.
La tauromachie, par exemple. Nous espérions naïvement qu'elle pourrait être interdite aux mineurs (voir chapitre "L'arène et l'Hémicycle"). Ce voeu improbable se traduit par l'article 26 intitulé : "Promouvoir les bonnes pratiques (sic) dans la corrida et les jeux taurins." En clair, il s'agit de rédiger un guide des bonnes pratiques (re-sic) et un guide d'inspection... Pathétique. Victor Hugo, qui fut l'un des premiers parlementaires à plaider pour la cause animale dans l'Hémicycle, doit se retourner dans sa tombe. II me manque. Je le souhaiterais porteur des valeurs qui m'animent. Lui qui a su défendre Cosette de manière si bouleversante, saurait insuffler l'élémentaire dignité capable de faire évoluer la société. Faute de cet humanisme, on accepte l'utilisation des animaux sauvages dans les cirques, on se satisfait des méthodes d'élevage surréalistes, on pérennise les combats de coqs... Quelle conscience nous anime en ce début de XXIe siècle ? ./.

p200-p201 ./. L'abattage rituel refuse toujours l'étourdissement des animaux avant leur saignée. C'est ainsi qu'un boeuf peut agoniser durant sept minutes avant d'en finir avec la vie. Brigitte Bardot et l'OABA, qui demandent depuis plus de deux décennies l'étourdissement préalable, avaient pourtant obtenu le soutien du président du Conseil français du culte musulman.
En son temps, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur (et des Cultes) avait également promis de réviser le dossier. L'affaire est à nouveau reportée. ./.

Quelques citations relevées au fil des pages

"On ne vous demande pas de les aimer, on vous demande de leur foutre la paix." - Paule Drouault

"Tant que les hommes massacreront les bêtes, ils s'entretueront." - Pythagore

"Le jour viendra où le fait de tuer un animal sera condamné au même titre que celui de tuer un être humain." - Léonard de Vinci

"Les bêtes ne sont pas si bêtes que l'on pense." - Molière

Blaise Pascal s'insurge contre la misère de la condition humaine sans oublier celle de l'animal : "Nos amis les chiens ne nous font de la peine que lorsqu'ils meurent".

"Un seul oiseau est en cage et la liberté est en deuil". - Jacques Prévert

"Torturer un taureau pour le plaisir, pour l'amusement, c'est beaucoup plus que torturer un animal. C'est torturer une conscience." - Victor Hugo

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